Médicaments sur Internet : le Conseil d’Etat change la donne

15 février 2013

Les médicaments sur Internet? Bientôt une réalité en France. ©Phovoir.

Une affaire à rebondissements. Le 19 décembre 2012, Marisol Touraine, ministre en charge de la Santé, a présenté en Conseil des ministres une ordonnance autorisant la vente des “médicaments en libre accès” sur Internet. Autrement dit, ceux placés devant le comptoir chez le pharmacien (soit environ 450 produits). Le 14 février, le Conseil d’Etat a ordonné la « suspension de l’exécution des dispositions de l’article L.5125-34 du code de la santé publique relatives à la vente de médicaments sur Internet». Non pas pour interdire cette vente, mais au contraire, l’élargir à tous les médicaments vendus sans ordonnance. Pour le Pr Jean-Paul Giroud, membre de l’Académie nationale de médecine et spécialiste en pharmacologie clinique, « ce n’est en rien un progrès en matière de santé publique ! » De son côté l’Ordre national des Pharmaciens prend acte…

Cette décision du Conseil d’Etat rend donc effective la vente sur Internet des médicaments délivrés sans ordonnance. Ce qui porte à plusieurs milliers le nombre de produits concernés, des traitements contre la toux ou contre des allergies en passant par le paracétamol. Seuls les pharmaciens titulaires d’une officine pourront vendre ces médicaments, après autorisation de l’Agence régionale de la Santé (ARS) dont ils dépendent.

« Un risque inutile »

Le Pr Giroud ne décolère pas. « C’est de la folie furieuse. Nous sommes dans le domaine du risque inutile. Tout médicament, avec ou sans ordonnance, peut entraîner des incidents, voire des accidents. Et cela d’autant plus s’ils sont utilisés à mauvais escient. Réaction allergique, baisse brutale de la tension artérielle, altération de la fonction rénale ou hépatique… Sans compter les publics à risque comme les femmes enceintes, les jeunes enfants ou les personnes âgées. Le pharmacien a un rôle de conseil. Le libre accès en ligne  ne peut que réduire à néant cette information officinale. Ce qui est d’autant plus regrettable et dangereux pour le patient. »

Rester attentif

De son côté l’Ordre national des Pharmaciens accepte la décision du juge des référés au Conseil d’Etat. « C’est un état de droit » explique Alain Delgutte, Président de la Section A (pharmaciens titulaires d’officine). « Mais nous resterons attentifs à ce qu’Internet ne devienne pas une simple plateforme d’achat. Le médicament n’est pas un produit banal. Un arrêté sur les bonnes pratiques de vente devrait bientôt voir le jour. La délivrance devra notamment se faire sous le contrôle effectif du pharmacien. » En théorie en tout cas. Reste en effet à savoir sous quelle forme…

Alain Delgutte tient tout de même à rappeler que la France ne se trouve pas dans une situation de « désert pharmaceutique. Chacun a une pharmacie à moins de 20 minutes de chez lui. On ne peut donc pas dire ‘j’achète sur le Net, faute de mieux’. Les pharmaciens sont présents sur tout le territoire et le contact physique est préférable… »

 A noter que sur l’antenne de nos confrères d’Europe 1, Benoît Hamon, ministre en charge de la Consommation a déclaré qu’en matière de « pharmacie en ligne, il (fallait) être particulièrement prudent », ajoutant que le gouvernement allait désormais « analyser la décision du conseil d’Etat ».

 Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : David Picot

  • Source : Interview du Pr Jean-Paul Giroud – Interview d’Alain Delgutte, 15 février 2013 – Europe 1, 15 février 2013

Aller à la barre d’outils