Portables : l’agence de sécurité sanitaire taxée d’incohérence

22 octobre 2013

« Les utilisateurs de portable ont besoin de messages clairs ». L’Académie nationale de médecine s’étonne des recommandations de l’ANSES visant à limiter l’utilisation du téléphone portable. Pour l’Institution, ces préconisations formulées par l’Agence, risquent « d’inquiéter inutilement les utilisateurs de téléphones portables, sans justification scientifique ».

Pas de risque avéré de cancer. L’Académie nationale de médecine tient à mettre les points sur ‘i’ et à délivrer des messages clairs en matière de radiofréquences et de santé. « Qu’il s’agisse des effets non cancérogènes sur le système nerveux central ou en dehors, ou des effets cancérogènes en général, les quelque 2 600 études publiées dans le monde sur ce sujet n’ont pas pu mettre en évidence de manière rigoureuse et reproductible un risque de cancer ou d’une autre pathologie organique dû à la téléphonie mobile ou au Wifi », souligne-t-elle dans un communiqué de presse.

Quels fondements ? Comme nous le précise le Pr André Aurengo, chef du service de médecine nucléaire à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris, « le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est très fouillé et rassurant dans un premier temps. Puis ses auteurs émettent des recommandations de réduction des expositions sans justification scientifique ». Ou plus précisément, des préconisations fondées sur des études comportant de nombreux biais méthodologiques.

Interphone et ses biais. André Aurengo fait notamment référence à l’étude Interphone, coordonnée par l’OMS, conduite dans 13 pays et publiée en 2010. Par son ampleur, ce travail promettait d’apporter un éclairage scientifique fiable sur le sujet. Au final, les conclusions n’ont pas répondu aux attentes de nombreux scientifiques dont le Pr Aurengo.

Selon lui, les auteurs se sont notamment heurtés « à la difficulté d’estimer l’exposition des personnes. C’est une vraie difficulté. L’interrogatoire des utilisateurs sur leur consommation téléphonique n’est fiable ni sur la durée ni pour le nombre des appels ». Par ailleurs ces mêmes biais ou erreurs méthodologiques auraient abouti à certaines conclusions très surprenantes. « Si l’on en croit ce travail, le portable aurait un effet protecteur contre le risque de gliome… Je doute vraiment que tel soit le cas. »

Polémique sur les experts. Le Pr Aurengo s’étonne également que la présidente du groupe d’experts de l’ANSES soit également  l’auteur principal d’Interphone France. « On voit donc dans ce rapport » – n.d.l.r., de l’ANSES – une espèce d’indulgence envers certaines études épidémiologiques qui conduisent à se poser des questions ».

Vous avez dit 1 640 heures ? Ce seuil de 1 640 heures cumulées associé par l’ANSES à une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale, « sort tout droit de l’étude Interphone. Les auteurs s’étaient rendu compte qu’une poignée de personnes d’un sous-groupe, qui avaient déclaré 1 640 heures en exposition cumulée – sur toute la durée du suivi, soit plus de 10 ans – présentaient un sur-risque de gliome. Suspect sur le plan scientifique, ce chiffre a été monté en épingle au point d’être considéré aujourd’hui comme un seuil de dangerosité ».

Pas au volant. En conclusion, le Pr Aurengo rappelle « par mesure de bon sens, d’éviter autant que possible l’usage du téléphone portable par les enfants. Des études sont en cours sur le sujet. Autant en attendre les conclusions. Par ailleurs, aujourd’hui, le seul risque avéré du portable reste la baisse d’attention en début et fin de communication, avec ou sans kit « mains libres ». Incompatible avec la conduite d’un véhicule. « Et ce risque n’est évoqué que sur quelques lignes sur les 418 pages du rapport de l’ANSES », s’étonne enfin André Aurengo. Pour écouter son interview, cliquez ici.

NOTE : Le Pr André Aurengo tient à préciser qu’il a été, par le passé, «  membre bénévole du Conseil scientifique de Bouygues Telecom. Et cela, pendant un an. »

Ecrit par : David Picot – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

  • Source : Académie nationale de Médecine, 22 octobre 2013 – Interview du Pr André Aurengo, 22 octobre 2013

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