Education thérapeutique, toujours en chantier

25 janvier 2011

Mieux connaître sa maladie, pour mieux la gérer. En août dernier, le décret d’application formalisant la mise en place de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) paraissait au Journal Officiel. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), celle-ci devait permettre « d’aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique ». Quelques mois plus tard, où en est-on ?

L’un des buts affichés de l’ETP est de transformer le patient en acteur de sa vie et de sa santé. Le mois dernier se sont tenues les 2e rencontres en éducation thérapeutique du patient organisées à Angers. L’occasion de favoriser un échange entre médecins et patients, sur cette notion toute nouvelle dans notre pays. Selon Dominique Boury, enseignant chercheur à l’Institut catholique de Lille, « la maladie chronique bouscule le schéma ‘diagnostic-traitement-guérison’ où l’acteur principal est le thérapeute, et où le patient n’est au mieux, qu’un collaborateur. »

N’oublions pas non plus que la maladie chronique échappe au projet de guérison. Voire d’une certaine manière, à la médecine elle-même. Car on ne guérit pas d’une maladie chronique : on la supporte jusqu’au terme de sa vie. L’ETP doit donc créer un lien de proximité entre le malade et l’équipe soignante. D’un côté le patient doit apprendre à gérer sa maladie. De l’autre, le thérapeute doit se faire pédagogue. Il est donc indispensable d’être créatif, et de penser une formation adéquate… pour les deux partenaires. En clair, et comme l’a rappelé le Pr Pierre Dominicé (Université de Genève), « la santé est une question de formation, mais elle n’appartient pas qu’aux soignants. Prendre soin de soi fait aussi partie des soins. »

Un chemin encore long

Nutritionniste en Haute-Garonne et secrétaire général de la Société d’Education Thérapeutique Européenne, le Dr Frédéric Sanguignol rappelle qu’en France « près de 50% des malades chroniques ne suivent pas régulièrement leur traitement ». L’information du patient pour une meilleure observance, passe, donc, par la formation du soignant. Désormais, les programmes d’ETP doivent être conformes à un cahier des charges national. Et ils sont mis en œuvre après autorisation de l’Agence régionale de Santé (ARS) concernée. Par exemple, l’acquisition des compétences nécessaires pour dispenser l’ETP requiert une formation d’une durée minimale de 40 heures. « Nous devrons attendre 2013 pour que toutes les infirmières bénéficient de ces 40 heures de formation » reconnaît le Dr Sanguignol. Il existe par ailleurs des formations universitaires « dont les places sont limitées » déplore notre spécialiste. Il est donc nécessaire de créer d’autres formations. L’INPES (Institut national de Prévention et d’Education pour la Santé) travaille actuellement à la validation des acquis.

Autre zone d’ombre, le financement. « Aujourd’hui, le ministère en charge de la Santé alloue 66 à 70 millions d’euros chaque année pour l’ETP » continue le Dr Sanguignol. « Cependant, personne ne sait ce qu’il advient de cette somme une fois répartie. Est-elle vraiment utilisée pour l’ETP ? Il est donc nécessaire d’évaluer de façon précise ce qu’il en est ! »

Quand les actions fonctionnent : le programme EduGreffe

Malgré ces difficultés, des programmes voient le jour… et sont couronnés de succès. C’est le cas d’EduGreffe, destiné aux transplantés rénaux. Il trouve ses origines au CHU de Nancy, où il a été mené conjointement par des médecins et une association de patients (Renaloo), avec le soutien institutionnel des laboratoires Novartis. « Pour l’instant, c’est le seul projet régional subventionné par une ARS », précise le Pr Michèle Kessler, néphrologue au CHU de Nancy. Le sujet il est vrai, est d’importance. Après une greffe de rein, le malade doit suivre un traitement immunosuppresseur à vie pour éviter le rejet du greffon. Comme il entraîne des effets secondaires lourds, celui-ci est parfois mal suivi, ce qui peut avoir des conséquences gravissimes. « Les enjeux d’EduGreffe sont d’améliorer la qualité de vie du patient et de son entourage, d’améliorer l’adhésion au traitement, et de prévenir les complications ».

Le programme comprend des séances collectives et individuelles, pendant lesquelles les patients apprennent à pratiquer une auto-surveillance. Prise de tension, reconnaissance des signes d’alerte, surveillance de la cicatrice, connaissance des médicaments et de leurs effets … Le but est d’améliorer la confiance et l’observance. « Nous avons commencé par écouter les transplantés pour comprendre ce qui avait pu leur manquer dans leur prise en charge, et identifier leurs attentes. Les malades en effet, sont les mieux placés pour savoir ce dont ils ont besoin. C’est pourquoi ils doivent être acteurs de ces programmes d’ETP » conclut Michèle Kessler.

  • Source : De notre envoyée spéciale au 10e congrès de la Société francophone de Transplantation, 16 Décembre 2010, Genève, Suisse ; De notre envoyé spécial aux 2e rencontres en éducation thérapeutique du patient, 17 décembre 2010, Angers, France ; Interview du Dr Frédéric Sanguignol, le 14 janvier 2010.

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