Cancers : des médicaments en miniature

02 décembre 2014

Les nanoparticules sont partout. Dans les cosmétiques, dans l’agroalimentaire, elles soulèvent des polémiques concernant leur innocuité. En médecine en revanche, elles font l’unanimité. Largement bénéfiques au regard des pathologies très graves qu’elles sont destinés à traiter, elles représentent un espoir énorme pour de nombreux malades. Le Pr Patrick Couvreur, pharmacien spécialiste des nano-médicaments, en explique le fonctionnement.

« Un nano-médicament est une structure de taille nanométrique (entre 1 et 100 nanomètres) incluant un principe actif », définit le Pr Couvreur. Rappelons qu’un nanomètre est 1 000 millions de fois plus petit qu’un mètre. Cette technologie permet d’envoyer une molécule active sur une cible thérapeutique donnée, comme une tumeur, pour une meilleure efficacité. Ce ciblage précis permet en outre de réduire la toxicité du médicament sur les organes sains. Depuis une dizaine d’années, environ 10 nano-médicaments, mis au point dans des laboratoires universitaires, ont été développés par des start-up. Ils permettent de traiter des tumeurs cancéreuses mais aussi des infections résistantes aux antibiotiques. Certains ont également été développés dans le but d’améliorer l’imagerie médicale.

Le Pr Couvreur mène actuellement la phase 3 des études cliniques pour un médicament destiné à combattre l’hépato-carcinome, une forme de cancer du foie. Dans ce cas précis, « l’organisme reconnaît le nano-médicament comme un élément extérieur et l’envoie donc naturellement vers le foie pour élimination ». Exactement la destination escomptée donc, sans passage dans la circulation générale. Résultat, « on supprime presque complètement la toxicité cardiaque observée par ailleurs pour le principe actif employé », poursuit-il. Ces nano-médicaments représentent donc « une vraie rupture technologique en adressant le principe actif directement à l’endroit de la tumeur », s’enthousiasme Patrick Couvreur.

Google, l’industrie agroalimentaire et la balance bénéfice-risque

Mais qu’en est-il des nanoparticules dans d’autres domaines ? Et en médecine prédictive, comme l’entreprise Google a annoncé vouloir le faire, l’utilisation de ces dispositifs microscopiques n’est-elle que bénéfique ? « Tout d’abord, on peut s’étonner que cette société s’y intéresse car elle n’a pas d’expérience en développement pharmaceutique », soulève le Pr Couvreur. Selon lui, il s’agit « d’un effet d’annonce ». En outre, même s’il se réjouit qu’un entrepreneur fortuné se penche sur les nano-technologies, leur usage dans le but de dépister des marqueurs précurseurs de pathologies pose question. Notamment en raison de la balance bénéfice-risque moins clairement favorable que dans le cas du traitement d’une maladie grave. Ainsi « pour injecter des nanoparticules à un individu sain dans un but préventif, il faut mettre au point des systèmes nanoparticulaires totalement sans effets secondaires et non toxiques. » Pas évident a priori.

C’est pourquoi le Pr Couvreur souhaite « distinguer fortement les nano-médicaments et les nanoparticules à autre usage ». Seuls les médicaments bénéficient d’une étude approfondie du bénéfique et du risque. « Vous pouvez vous permettre d’avoir un risque modéré si un gros bénéfice, comme c’est le cas dans le carcinome hépatocellulaire. Avec environ un an d’espérance de vie après diagnostic, vous comprenez que cela vaille la peine d’avoir quelques effets secondaires éventuels… »

Reste que les nanoparticules sont déjà entrées dans d’autres domaines, comme la cosmétique et « de manière beaucoup plus inquiétante, dans l’agro alimentaire ». Pour Patrick Couvreur, il faudrait « évaluer de manière raisonnable la balance bénéfice risque des nanoparticules dans notre alimentation ». Leur innocuité en somme.

  • Source : interview du Pr Patrick Couvreur, 21 novembre 2014

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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