Arthrose : une prise en charge globale pour améliorer la qualité de vie…

01 septembre 2001
Très fréquente, elle est inégalement prise en compte. Un peu comme si les pouvoirs publics avaient du mal à la prendre au sérieux… Le Dr Daniel Briançon, rhumatologue à Aix-les-Bains, la connaît bien. L’arthrose ne tue pas. En cela elle n’est pas ressentie comme une maladie grave. « Elle est pourtant douloureuse et peut gêner tous les gestes de la vie courante. » Le fardeau va peser des années sur le malade, ses proches et… la société. Elle génère des millions de consultations médicales, des dizaines de millions de prescriptions. Or elle est souvent inaccessible à un traitement définitif. « Contre l’arthrose de la hanche ou du genou il existe des solutions radicales », souligne Daniel Briançon. « Il s’agit fréquemment de malades qui ne sont plus en activité, (tandis que) les lombalgies ou cervicalgies chroniques ont un caractère invalidant et un retentissement économique considérables. » Parce qu’elles frappent surtout des personnes encore jeunes et socialement actives. Dans ces cas, l’arthrose est d’abord une cause majeure d’absentéisme professionnel. En 1989, elle a coûté presque 85 millions d’euros à EDF, rien qu’en arrêts de travail ! Et les pertes de production auraient atteint près de 255 millions d’euros. Dont les deux-tiers à la charge des malades ou de leurs familles, faute de remboursement. Peu à peu reconnues, les écoles du dos… La difficulté est liée à la prise en charge de la douleur. Car la perte de qualité de vie et de productivité est plus fréquente et plus durement ressentie que celle de l’autonomie. Quand la marche est limitée, la chirurgie peut aider… Mais l’arthrose vertébrale frappe des sujets en pleine activité. Elle va les gêner dans leur vie professionnelle ou pour des activités élémentaires. Pour Daniel Briançon, le problème est celui du diagnostic. « Souvent, il n’y a pas de corrélation entre l’importance de l’arthrose et les phénomènes douloureux. Il y a des facteurs psychologiques ajoutés, des conflits familiaux, personnels, professionnels qui viennent se greffer… » Inventées dans les pays scandinaves, les écoles du dos commencent leur percée dans nos régions. Ces centres où l’on tient compte de tous les paramètres sont une innovation importante. Le malade y dispose de tous les spécialistes dont il a besoin : « un rhumatologue, un ré-éducateur, un ergothérapeute, un kinésithérapeute, une diététicienne s’il y a un excès de poids, une psychologue, un psychiatre éventuellement », détaille le Dr Briançon. Un véritable « plateau de compétences » rassemblé dans un lieu unique et, surtout, une stratégie commune. D’abord axées sur la prévention, ces écoles se sont diversifiées vers la formation en entreprise ou dans les établissements scolaires. Une directive européenne oblige en effet les entreprises dont le personnel soulève des charges (à partir de 10 kg) à former celui-ci à la prévention du mal de dos. Agir vite et avec détermination La démarche porte ses fruits et la demande excède les possibilités de prise en charge. Certains centres se sont orientés vers la lutte contre les lombalgies, ces douleurs qui vrillent le bas du dos. Et surtout, ils entreprennent de mobiliser ces malades. Pour maintenir leur qualité de vie. « Le lombalgique n’est plus considéré comme quelqu’un qu’il faut mettre dans du coton. Nous devons au contraire faire de la re-dynamisation. Il est évident que certaines activités professionnelles favorisent les lombalgies. » Le travail manuel par exemple. « Dès qu’un patient a une activité manuelle et qu’il a des lombalgies, on essaie de développer des relations avec le médecin du travail, qui sur place va voir ce que l’on peut faire », ajoute Daniel Briançon. Il faut en effet agir vite. « Plus le malade s’arrête longtemps et moins il a de chances de reprendre le travail. Après 3 à 6 mois d’arrêt, la moitié ne reprendront plus leur activité professionnelle. » Les relations entre les soignants s’établissent peu à peu, mais les malades ne sont pas toujours aussi mobilisés. Pourtant, ils portent en eux une partie de la guérison… Des traitements aux perspectives motivantes La relation des patients à l’arthrose a évolué. Les nouveaux traitements offrent des perspectives motivantes. La chirurgie pour arthrose de la hanche ou du genou apporte maintenant des solutions durables. Et contre les autres formes de la maladie, les plus fréquentes, les traitements ont beaucoup progressé. A l’occasion du XIIIème Congrès français de Rhumatologie, le Pr Maxime Dougados de Paris, a dit sa foi dans les médicaments spécifiques d’une enzyme responsable de l’inflammation articulaire, la Cox-2. Faut-il « remplacer tout traitement (anti-inflammatoire) au long cours par un anti-Cox 2 ? » A ses yeux la question paraît tranchée au bénéfice des seconds. Le premier représentant de cette classe - les Coxibs - a été introduit en France sous le nom de rofecoxib. Ces médicaments sont aussi efficaces que les anti-inflammatoires conventionnels. Sans en avoir les inconvénients, gastro-intestinaux notamment… Le rofecoxib est utilisé dans 75 pays et 35 millions de malades ont déjà été traités. Son efficacité sur l’inflammation et ses manifestations douloureuses a donc été démontrée sur une large échelle... Les anti-inflammatoires ? 16 500 morts par an aux USA… Maxime Dougados ne remet pas en cause l’efficacité des anti-inflammatoires conventionnels. Toutefois, ces derniers présentent « l’énorme inconvénient (…) chaque fois qu’on les prescrit, de faire craindre la survenue d’un événement indésirable grave digestif, qui peut être source d’événements jusqu’au décès. » Un patient sur 1 200 meurt ainsi, alors qu’il aurait survécu s’il n’avait absorbé ce type de médicament ! Soit 2 000 morts chaque année en France ou en Grande-Bretagne. Et aux Etats-Unis, le bilan annuel est de 16 500 morts… Quand Maxime Dougados affirme que « la nouveauté avec les Coxibs n’est pas tant dans une meilleure efficacité que dans une meilleure tolérance avec semble-t-il une suppression totale du risque d’événement indésirable grave digestif », il évoque un avantage déterminant. A proprement parler ! Car ces malades relèvent de traitements au long cours. Ils doivent prendre des médicaments de façon quotidienne, pendant des mois voire des années. Cette sécurité nouvelle est d’autant plus appréciée qu’elle supprime l’obligation de prendre des « protecteurs gastriques » généralement fort chers. A telle enseigne que l’un d’entre eux représente, à lui seul, le premier poste de dépenses pharmaceutiques pour l’assurance maladie ! Alors oui, les traitements modernes de l’arthrose permettent de maîtriser la douleur et de lutter contre le handicap, avec une sécurité jusqu’alors inaccessible. C’est un incontestable bénéfice. Mais il ne doit pas faire oublier que le respect de la prescription et le suivi médical en sont les meilleurs garants ! Pour ce qui est des traitements de fond qui permettraient de ralentir la maladie au lieu de seulement contrôler la douleur, les progrès sont moins évidents. Daniel Briançon reconnaît que « les médicaments capables de freiner le pincement (au niveau des articulations notamment vertébrales, n.d.l.r.), la dégradation du cartilage, les médicaments susceptibles d’arrêter l’évolution de l’arthrose sont encore au stade de la recherche. » Et surtout, ils ne sont pas pris en charge par les assurances maladie. Les inégalités dans l’accès aux soins s’en trouvent aggravées. Mais de nos jours on ne devient plus grabataire à cause d’une arthrose. En diminuant la douleur, les médecins améliorent le handicap. Et s’ils ne peuvent encore guérir l’arthrose, ils accroissent réellement la qualité de vie des arthrosiques.
Aller à la barre d’outils