Footing : quand la cadence dépasse les limites

25 janvier 2023

Faire un footing de façon automatique pour évacuer le stress quotidien exposerait à une forme de dépendance au sport. Un rapport à l’activité physique plus nocif que bénéfique pour la santé mentale.

Izf/shutterstock.com

Le saviez-vous ? La dépendance à l’activité physique porte un nom : la bigorexie, soit la tendance à pratiquer plus que de raison, en termes de fréquence et de durée par séance. Dans le monde du running par exemple, le degré de plaisir diminue progressivement, quand le souci d’exigence et l’excessivité de la pratique prennent de l’ampleur.

L’organisme et le cerveau réclament des heures et des heures de running. L’organisation du quotidien est régie par les séances. Les sessions ne s’espacent pas même si le corps commence à être éprouvé, et que le mental ne demande qu’une chose : se reposer. Un sentiment de frustration, d’irritabilité ou d’anxiété se font sentir si la course doit être décalée. Peuvent également apparaître des phases dépressives et des troubles du comportement alimentaire (TCA).

Les coureurs de loisir en première ligne

Cette addiction est telle que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) l’a reconnue comme maladie à part entière en 2011. Mais à quel point le fait de courir pour déstresser et alimenter une forme de dépendance fragilise la santé des « runners » ? Pour le savoir, des chercheurs norvégiens ont étudié ce phénomène auprès de 277 coureurs, hommes et femmes, pratiquant en loisir. Chaque participant a dû compléter un questionnaire permettant d’évaluer trois points sur son rapport à l’échappement et à l’addiction à la course. Deux autres items portaient sur le rapport au plaisir et sur l’état d’esprit du coureur.

Résultats, « celles et ceux dont la quête de fuite était associée à un degré moindre de plaisir et à un rapport addictif à la course se trouvaient être les plus fragiles sur le plan de la santé mentale », déclare le Dr Frode Stenseng*, principal auteur de l’étude.

Un effet boomerang ?

« Le besoin de s’échapper de son quotidien est une réaction pour mettre de côté les aspects négatifs du quotidien », prolonge le Dr Stenseng. « Mais très peu de données sont disponibles sur les motivations de ces comportements, la façon dont elles affectent le rapport au sport et leur impact psychologique. »

Certes, s’évader du quotidien « permet de réduire la conscience de soi, de diminuer le réflexe de rumination, de soulager les pensées et d’apaiser les émotions les plus stressantes », ainsi que d’« ouvrir de nouvelles perspectives, trouver le positif dans le négatif. »

Mais les mécanismes de fuite, quand ils prennent trop de place, exposent souvent à un retour encore plus brutal de la réalité. Et tout va dépendre de l’état d’esprit dans lequel le runner enchaîne les foulées : « maintenir un état de bonne humeur ou prévenir la survenue de la mauvaise humeur. Si la personne court pour sans cesse détourner son attention » des choses de la vie, positives comme négatives, il entre dans un cercle vicieux de fuite en avant nocif pour sa santé mentale.

Et l’effet des hormones

L’impact de l’importante libération de dopamine et d’endorphines pendant l’effort sur le cerveau est tout le nœud du problème. Lorsque cette décharge reste raisonnable, elle s’avère bénéfique pour stimuler le moral comme les capacités cognitives. Mais plus la pratique augmente, plus le cerveau en a besoin pour se sentir dans une forme optimale. Ce qui présente bien sûr des limites étant donné que les ressources de notre corps et de notre mental ne sont pas infinies.

 

*Norwegian University of Science and Technology

  • Source : Frontiers in Psychology, le 25 janvier 2023

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Édité par : Emmanuel Ducreuzet

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