Microcéphalie : Zika ou pesticides ?

15 février 2016

Le virus Zika est depuis plusieurs mois déjà une source d’inquiétude en Amérique latine. Au Brésil en particulier, où un nombre important de cas de microcéphalie semble lié à l’épidémie de ce virus. Pourtant, plusieurs études récentes mettent en doute la responsabilité du Zika dans cette hausse de cas de microcéphalie enregistrée chez les nouveau-nés. Selon leurs auteurs, ces malformations seraient en réalité dues à l’utilisation d’un pesticide servant à lutter contre le moustique-tigre, porteur de la dengue.

Des chercheurs argentins et brésiliens estiment, dans deux études publiées récemment, que la flambée du nombre de microcéphalies chez les nouveau-nés dans le Nord-Est du Brésil est due à la présence de pesticides dans l’eau potable. Le pyriproxyfène, un insecticide qui a pour but d’interrompre la reproduction des moustiques, est utilisé depuis un an et demi dans ce pays. Depuis le mois de mai 2015, les états du Pernambuco, de Bahia et de Paraiba ont notifié une hausse de ces cas de malformations.

Jusqu’à la parution de ces études, les experts s’accordaient pourtant pour suspecter fortement un lien de cause à effet entre l’infection à virus Zika pendant la grossesse et la microcéphalie. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) avait quant à elle souligné « la possible association entre l’inhabituel hausse du nombre de cas de Zika et de microcéphalie ». Toutefois, ce lien n’est pas scientifiquement prouvé.

De nombreuses inconnues

De son côté, le Pr Bruno Lina, virologue à Lyon, souligne qu’« actuellement, il n’y a aucune certitude que le nombre de cas de microcéphalie soit en très nette augmentation depuis l’apparition du virus Zika ». En effet, « le nombre de base n’est pas connu, et donc, on ne peut calculer d’incidence comparative entre avant l’épidémie de Zika et après ».

Par conséquent, il est « logique d’évoquer les pesticides pour expliquer cette augmentation ressentie (du nombre de cas de microcéphalie n.d.l.r.), même s’il sera impossible de le prouver ou de le récuser », poursuit-il. « L’utilisation de pesticides pour démoustication se fait depuis de nombreuses années, dans d’autres régions du globe, y compris à la Réunion, sans qu’il n’ait été rapporté d’augmentation du nombre de cas de microcéphalie. » La question reste donc sans réponse.

« On est à mi-chemin entre la rumeur et le bon questionnement scientifique », estime le Pr Lina. « Sachant la mauvaise réputation des pesticides, on peut craindre que la rumeur ne l’emporte… » De son côté, l’OMS devrait savoir d’ici quelques semaines si le virus Zika cause bien des microcéphalies et le syndrome de Guillain-Barré.

  • Source : OMS, février 2016 – interview du Pr Bruno Lina, virologue à Lyon, 15 février 2016

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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