Sexe : le stress de performance, un mal masculin

22 juillet 2021

Des rapports longs, intenses et ultra-jouissifs. Voilà l’injonction dont certains hommes souffrent, consciemment ou non. Quelle est l’influence de la pornographie ? Comment se départir de cette anxiété dite de performance ?

Le stress de performance sexuelle « trouve son origine dans l’injonction qui gravite autour de la sexualité », décrit Sébastien Landry, psychosexologue. Un phénomène aujourd’hui « largement accentué par la pornographie ». Certes, « l’idée de l’homme qui doit honorer sa femme grâce au coït est ancré dans les esprits depuis des décennies. » Mais le fait d’être exposé(e) très jeune à des rapports sexuels idéalisés, biaisés par des simulations et des montages vidéo ne mettrait pas les hommes très à l’aise sous la couette.

La durée du coït, pas comme dans les films

« Quand ils passent à l’acte, ils ne sont pas du tout dans la notion de plaisir, mais dans celle de performance », souligne Sébastien Landry. « Certains jeunes patients qui viennent me voir, à même pas 20 ans, consomment énormément de pornographie et ne se masturbent que comme cela. Ils viennent me voir en consultation, dans la crainte, parce que leur rapport ne dure pas aussi longtemps que dans les films. Pour les rassurer, il faut alors leur expliquer que les films pornographiques sont réalisés avec plusieurs caméras qui donnent l’impression d’ébats sans fin. » Et que l’objet final ne se résume qu’à plusieurs points de vue différents mis les uns au bout des autres.

L’angoisse de la taille

Dès l’adolescence, une confusion énorme se crée donc entre la réalité : le plaisir sexuel, la découverte de son propre corps, de celui de l’autre – et la fiction : les corps parfaits, les jouissances automatiques et les scenarios très aboutis. « La taille du pénis est aussi un sujet pour eux, alors que la moyenne d’un pénis en érection en France est de 13,5 cm et que seuls 1% des hommes atteignent les 20 cm. Mais certains jeunes patients ont peur que leur partenaire ne ressente rien car ils voient sur petit écran des femmes s’épanouir sous l’effet de ces mensurations exceptionnelles. »

Quand le stress mène à la simulation

Stigmate des plus édifiants de ce stress de performance : la simulation, « devenue très fréquente alors que ce comportement était très rare chez les hommes il y a encore 10 ans ». Dans ce cas, « l’exigence est telle sur le scénario qu’ils ont en tête qu’ils n’arrivent pas à prendre de plaisir ». La spontanéité et l’alchimie, pourtant inhérentes à la jouissance, ne sont pas conviées. « Parfois cela se reporte sur leur partenaire avec des mots dégradants alors qu’ils ne sont pas dans la moquerie à proprement parler. »

Un manque d’éducation

Excepté la pornographie, qu’est-ce qui peut nourrir ce stress de performance au masculin ? « Le manque d’éducation à la sexualité. Pendant la scolarisation, on compte en moyenne 3 séances par an. » Bien maigre pour se construire un rapport à la sexualité. « Les jeunes se construisent avec les discours de groupe où la notion de challenge occupe toute la place dans les disques durs. » Le poids des idées reçues entre aussi en ligne de compte. Exemple, « ce que les hommes contrôlent c’est leur excitation sexuelle », décrit Sébastien Landry. « Mais contrairement à ce que l’on croit, ils ne contrôlent en aucun cas la durée de leur érection avant l’éjaculation. Les hommes se mettent une pression phénoménale là-dessus, or la plupart ne sont même pas au courant de ce point. »

Autre facteur de stress, quel que soit l’âge, beaucoup d’hommes oublient que « l’acte sexuel ne relève pas seulement de la pénétration », mais du plaisir sexuel pur et simple. Dans les couples aussi, nombreux sont les hommes à « avoir peur de perdre leur érection, à rester focaliser sur ce point pendant tout le rapport ». Surtout s’ils ont été exposés à la pornographie très jeune et rejouent leur angoisse de performance à chaque fois qu’ils ont une nouvelle partenaire. « Comme si c’était leur première fois. »

Les anxieux ne stressent pas seulement au lit

Le plus important pour les hommes stressés sur leur activité sexuelle, c’est de les départir de cette notion de performance. De leur faire comprendre que le premier pas dans le plaisir est « de se connecter à leur corps, d’en prendre soin, d’essayer de ressentir sous quels effets ou gestes celui de l’autre semble entrer en vibration ». Mais aussi de voir à quel point prendre le temps de caresses et des préliminaires fait souvent monter le désir plus qu’une pénétration en tant que telle. « Cela est aussi important d’avoir une communication sereine dans le couple sur la sexualité. » Mais le sujet reste souvent tabou voire conflictuel. « Pour cela, quelques séances chez le sexologue seul ou à deux permettent de poser ces mots sur ce stress et bénéficier à la personne donc au couple. »

Enfin des techniques de gestion des émotions (relaxation, hypnose, méditation, acupuncture…) ont aussi toute leur place. « Les hommes exposés au stress de performance ne sont pas seulement angoissés au lit. Souvent leur travail ou d’autres points de leur vie quotidienne peuvent peser très lourd et l’idée est alors de se délester cette surcharge globale. »

A noter : les femmes sont elles aussi concernées par ce stress, avec des points communs et des différences liées au genre. Nous y reviendrons dans un prochain papier.

  • Source : interview de Sébastien Landry, psychosexologue spécialisé en cancérologie, le 13 juillet 2021

  • Ecrit par : Laura Bourgault – Édité par : Emmanuel Ducreuzet

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