L’excision mutile la vie des femmes
06 février 2014
Près de 30 millions de filles de moins de 15 ans pourraient être soumises à l’excision dans les 30 prochaines années dans le monde. ©Destination Santé
L’ablation totale ou partielle du clitoris, des petites lèvres et parfois des grandes lèvres est connue sous le terme d’excision. A l’occasion de la journée internationale contre les mutilations génitales ce jeudi 6 février, le Dr Pierre Foldès, chirurgien urologue, à Saint-Germain-en-Laye (78) fait le point, sur les conséquences de ces mutilations. Il s’exprimera au cours d’une conférence organisée au ministère des Affaires étrangères ce jour.
« Nous opérons des femmes de 18 à 65 ans », indique le Dr Foldès. Preuve que les conséquences de l’excision perdurent. « Les patientes rapportent d’intenses douleurs », poursuit-il. Le simple fait de porter des sous-vêtements ou de faire du sport se révèlent souvent difficile, voire impossible. L’aspect esthétique est bien entendu une préoccupation majeure. « Ces patientes souffrent d’une atteinte à leur identité. Elles ont souvent l’impression de ne plus être des femmes entières, car leur vulve ne ressemble plus à un sexe féminin. » En effet, dans 60% des cas, il y a aussi ablation des petites lèvres, rendant la vulve traumatisée, méconnaissable et cicatricielle.
A la douleur physique s’ajoute la détresse psychologique. Ces femmes éprouvent des difficultés dans leur vie de couple. Elles souffrent aussi du regard de la société !« Les séquelles psychologiques sont importantes », insiste Pierre Foldès. « D’autant plus que cette violence a été pratiquée en famille. » C’est pourquoi la prise en charge doit être globale, chirurgicale et psychologique. « Un premier contact, une libération de la parole, une écoute sont essentiels pour aider ces victimes. »
Un suivi psychologique essentiel entre 6 mois et 2 ans
La technique chirurgicale mise au point par le Dr Foldès s’adapte à toutes les formes d’excision. « On peut toujours restaurer l’anatomie clitoridienne et la vulve. » Une fois opérée, la victime doit toutefois bénéficier d’un suivi « entre 6 mois et 2 ans, car elle a besoin de reconstruire sa sexualité », ajoute-t-il. « Près de 85% des patientes récupèrent une sexualité normale, avec une sensibilité clitoridienne. »
En matière de prévention des mutilations sexuelles, « nous continuons à nous battre », insiste le Dr Foldès. « Dans certains pays très fermés, des femmes continuent de subir des mutilations sexuelles. » Pire, certains Etats dans lesquels les excisions n’existaient plus « voient réapparaître des formes de mutilations sexuelles politiques. C’est le cas de l’Egypte et de la Tunisie », conclut-il. Rappelons que l’excision est pratiquée dans 29 pays d’Afrique et du Moyen Orient et, dans une moindre mesure dans certaines communautés d’Asie et d’Amérique du sud. « Si ces pratiques affectent moins de 1% des filles et des femmes au Cameroun et en Ouganda, elles sont quasi-universelles à Djibouti (93%), en Egypte (91%), en Guinée (96%) et en Somalie (98%) », précise l’UNICEF. Cette pratique constitue une violation notoire du droit des femmes, qui sont à ce jour 125 millions à l’avoir subie dans le monde.
Ecrit par : Dominique Salomon – Edité par : Emmanuel Ducreuzet
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Source : interview du Dr Pierre Foldès, chirurgien, fondateur de l’Institut de santé génésique, 4 février 2014 – Excision parlons-en, 6 février 2014 – UNICEF, 5 février 2014