Excision : la chirurgie qui permet le retour à la vie
12 juin 2012
Les mutilations sexuelles féminines posent un problème dramatique, mais la chirurgie permet à leurs victimes de revenir à une vie meilleure. Cet espoir est sous-tendu par l’expérience d’une équipe française, portant sur près de 3 000 femmes opérées. Car en France aussi, le problème est très présent. Le nombre de femmes ayant subi une mutilation sexuelle – un acte qualifié pénalement comme un crime – y est estimé à 60 000. Une goutte d’eau par rapport aux chiffres mondiaux, qui font état d’environ 160 millions de femmes excisées. Pour aider ces victimes, le Pr Pierre Foldès, chirurgien au Centre hospitalier de Poissy – Saint Germain (78) et à la clinique de Saint Germain – et médecin humanitaire, a mis au point en 1994, une technique de reconstruction vulvaire. La revue The Lancet publie aujourd’hui une étude menée auprès de 2 938 femmes, opérées depuis 1998.
Pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’excision consiste en l’« ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres ». Parfois aussi, les fillettes subissent « un rétrécissement de l’orifice vaginal par création d’une fermeture, réalisée en coupant les lèvres intérieures, et parfois extérieures, avec ou sans ablation du clitoris ». Entre 1998 et 2009, l’étude du Pr Foldès a pris en compte 2 938 patientes majeures, victimes de mutilations génitales. Toutes ces femmes avaient consulté au Centre hospitalier de Poissy. Elles ont bénéficié d’une reconstruction vulvaire et ont ensuite, bénéficié d’un suivi d’un an… lorsque c’était possible.
L’intervention qui reconstruit
« Le clitoris peut être plus ou moins blessé par la mutilation, mais il s’agit souvent uniquement de la partie extérieure. Ainsi dans 80% des cas, nous sommes capables de récupérer un clitoris fonctionnel. On reconstitue alors un clitoris bien innervé à l’extérieur, et restituons une intégrité vulvaire en réparant les petites lèvres », nous explique le Pr Foldès.
Dans le cadre de cette étude, les patientes revues un an après pour un suivi postopératoire ont été interrogées sur leur qualité de vie, la douleur et la restauration – ou non – d’un plaisir clitoridien. Seules 841 des 2 938 patientes opérées par l’équipe du Pr Foldès – soit 29 % – sont revenues pour ce suivi. Leurs résultats ont été des plus encourageants. En effet, « 430 de ces femmes soit 51%, nous ont dit avoir des orgasmes », se réjouissent les auteurs. Les complications postopératoires immédiates – hématomes, désunion de cicatrice, fièvre modérée – n’ont concerné que 5 % des 2 938 opérées.
Etre informée
Les victimes de ces mutilations provenaient pour l’essentiel, de Côte d’Ivoire, du Mali et du Sénégal. Notons – c’est une confirmation – que ces pratiques s’exportent : 564 des femmes opérées par le Pr Foldès et ses collaborateurs avaient été mutilées sur le sol français. Quelques jours après la condamnation d’un couple d’origine guinéenne qui avait fait exciser ses 4 filles de 11 à 20 ans – 2 ans de prison ferme pour le père et 18 mois pour la mère – ce travail conforte un nouvel espoir. Celui d’un retour possible à l’intégrité physique. « L’important est de faire savoir à ces victimes du silence qu’il existe une solution. Et avant tout, nous souhaiterions qu’elles puissent consulter, pour être informées des solutions disponibles », insiste Pierre Foldès. En France depuis 2003, cette opération est prise en charge par l’Assurance-maladie.
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Source : Centre hospitalier Poissy-St Germain, interview du Pr Pierre Foldès, 11 juin 2012 ; OMS, consulté le 11 juin 2012