Contraception des mineures : le paradoxe français
08 mars 2012
« Une gratuité de l’ensemble des moyens contraceptifs jusqu’à 18 ans ». C’est l’une des mesures phares proposées par le Rapport Nisand, remis le 16 février dernier à Jeannette Bougrab, secrétaire d’Etat à la Jeunesse et à la Vie associative. Constat effarant : chaque année en France, près de 15 000 mineures recourent à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Pour le Pr Israël Nisand, le Dr Brigitte Letombe et la psychologue Sophie Marinopoulos, auteurs du rapport, cette situation est préoccupante. Ils interpellent donc les pouvoirs publics, et proposent des solutions concrètes.
« En matière de contraception pour les mineures, la France accuse un retard par rapport à certains de ses voisins européens » explique le Pr Israël Nisand, responsable du pôle Gynécologie-Obstétrique au CHU de Strasbourg. Or « il n’existe aucun projet de santé publique lié à la sexualité des adolescents. ».
30 millions d’euros par an
Le dossier bien sûr, renvoie à l’épineuse question des IVG chez les mineures. « La Suisse ou encore les Pays-Bas connaissent trois fois moins d’IVG que la France » s’insurge Israël Nisand. « Chaque année dans l’Hexagone, près de 90 000 IVG touchent les moins de 25 ans (15 000 rien que pour les moins de 18 ans). Et 60 000 de ces IVG seraient évitables ».
Le Pr Nisand a fait les comptes. « Une IVG coûte 500 euros à la collectivité. Cela représente environ 30 millions d’euros par an en France. Et si cet argent à l’avenir, profitait plutôt à la contraception ? »
18 propositions concrètes
« Dans notre rapport, nous émettons 18 propositions » continue-t-il. « Nous nous sommes inspirés de certains de nos voisins en Europe ». Il semble en effet, que la France nage en plein paradoxe. « L’IVG est anonyme et gratuite, tout comme la pilule du lendemain. Mais la ‘vraie’ contraception, elle, est payante. »
Les auteurs préconisent donc en particulier :
– De conférer une véritable confidentialité à la contraception. « Les jeunes ne sont pas obligés de publier les bans avant d’avoir un rapport. La sexualité de tous en fait, se nourrit de l’ombre. Celle des jeunes, particulièrement » ;
– La gratuité aussi, serait un atout essentiel. . « En dehors des centres de planning familial, la contraception reste payante et reste subordonnée à une autorisation des parents. Or les adolescents n’ont pas nécessairement envie que ces derniers soient au courant de leur vie sexuelle » ;
– La mise en œuvre d’une véritable éducation sexuelle à l’école, délivrée par des professionnels de santé. Rappelons que la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, fait précisément de l’éducation sexuelle une « obligation légale tout au long du primaire et du secondaire ». Or « cette loi n’est pas appliquée. Des fédérations catholiques s’y sont opposées. Dans cette situation, le risque est de voir la pornographie faire l’éducation sexuelle de nos enfants » s’alarme Israël Nisand.
La mise en place d’un forfait contraception
Les auteurs du rapport enfin, estiment que les mineures devraient pouvoir accéder gratuitement aux méthodes contraceptives les plus modernes et les plus innovantes. Ils recommandent donc la mise en place d’un forfait-contraception librement accessible. « Pour les contraceptions innovantes ne figurant pas au tableau des produits pharmaceutiques remboursés, ce forfait pourrait être fixé à une hauteur approximative de 7 euros par mois et par mineure. Le coût annuel en serait donc de l’ordre de 80 euros », décrivent les auteurs. Lesquels bien-sûr, envisagent d’impliquer les laboratoires pharmaceutiques et l’Assurance-maladie. « Si l’Etat refuse, on saura qu’il préfère financer des IVG », surenchérit Israël Nisand. La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Mais aussi et surtout, des candidats à l’élection présidentielle…
Aller plus loin :
– retrouvez les 18 propositions du Rapport Nisand en version intégrale.
– www.choisirsacontraception.fr/ (site du ministère de la Santé)
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Source : Interview du Pr Israël Nisand, 5 mars 2012 - Et si on parlait de sexe à nos ados ?, Pr Israël Nisand, Responsable du pôle Gynécologie-Obstétrique du CHU de Strasbourg, Dr Brigitte Letombe, gynécologue et présidente d'honneur de la Fédération nationale des Collèges de Gynécologie médicale, Sophie Marinopoulos, psychologue.