Les produits laitiers… Dr Jekyll ou Mr Hyde?

25 janvier 2010

Riches en calcium, les produits laitiers peuvent contribuer puissamment à la santé de nos os. Le Plan national Nutrition Santé (PNNS 2) recommande d’ailleurs d’en consommer 3 voire 4 chaque jour. Est-ce vraiment indispensable ? Et peut-on mettre sur un pied d’égalité un verre de lait, une crème dessert, un morceau de Reblochon ou un yaourt nature ?

L’argument généralement invoqué en faveur d’une consommation quotidienne importante de produits laitiers tient à leur teneur élevée en calcium. Celui-ci est certes nécessaire à notre organisme : il contribue à la solidité des os et des dents, il intervient dans la contraction des muscles et notamment du muscle cardiaque, il participe à la régulation de l’influx nerveux, à la coagulation sanguine… En cas d’apports insuffisants, les risques sont multiples : fragilité osseuse (dont l’ostéoporose), retard de croissance, crampes musculaires, troubles rénaux… D’après l’Etude nationale Nutrition santé (ENNS) de 2006, plus de la moitié des hommes, et les trois quarts des femmes ont des apports alimentaires inférieurs aux fameux ANC (Apports nutritionnels conseillés). La situation semble particulièrement problématique chez les jeunes filles, les jeunes femmes, les femmes ménopausées et enfin les hommes de plus de 65 ans. Par ailleurs, la consommation de produits laitiers diminue : moins 16% chez les femmes et moins 6% chez les hommes entre les deux études Inca 1 (1998-1999) et Inca 2 (2006-2007).

Toutes les sources de calcium
Le lait et les produits laitiers constituent les deux tiers de nos apports en calcium.

Les fromages en tête :
– l’Emmental, le Comté et autres fromages à pâte pressée cuite sont les champions : entre 1 000 et 1 250 mg/100g ;
– Ils sont suivis de près par les fromages à pâte pressée non cuite (comme le Cantal) avec 550 à 1 000 mg/100g ;
– les fromages à pâte persillée (Bleus, Roquefort..) en apportent 500 à 700mg/100g ;
– les fromages à pâte molle et à croûte lavée (Munster, Reblochon) ou fleurie (Camembert, Brie…) : 200 à 700 mg/100g ;
– les fromages fondus : 250 à 500 mg/100g ;
– et le fromage de chèvre : 75 à 200 mg/100g ;

Les autres produits laitiers sont moins riches en calcium :
– les yaourts en contiennent environ150 mg/100g ;
– et le lait 120mg/100g.

Est-ce à dire qu’en dehors des produits laitiers, il n’est point de salut pour le calcium ? Eh bien pas du tout ! Vous en trouverez aussi en quantité dans certaines eaux minérales :
– 550 mg/litre pour Hépar,
– 500 mg/litre pour Contrex,
– 300 mg/litre pour Salvétat,
– 200 mg/litre pour les Badoit, Vittel, Quézac et autres San Pellegrino. Attention toutefois aux eaux gazeuses, souvent salées.

Vous préférez les aliments plus consistants ? Privilégiez donc :
– les fruits secs (amandes, noisettes) qui contiennent 200 mg de calcium/100g ;
– les moules et les crevettes : 100 mg/100g ;
– les légumes secs (haricots, fèves) : 150 mg/100g ;
– Sans parler des sardines en boîte (avec les arêtes) qui font grimper le compteur à 800 mg/100g !

Pas la peine de manger chaque jour 5 petits suisses, un quart de litre de lait, et 80g de Camembert pour atteindre votre quota. Vous pouvez varier les plaisirs… sans en faire tout un fromage !

Optimiser les apports calciques
Consommer du calcium, c’est bien. S’assurer qu’il est assimilé et en limiter les pertes, c’est mieux ! En effet, d’autres nutriments jouent sur l’absorption de ce sel minéral.

La caféine, les phytates (présents dans le pain sans levain et le son), l’alcool, les oxalates (présents dans la betterave, les pommes de terre, la rhubarbe, les épinards, l’oseille) et les tanins du thé réduisent l’absorption du calcium. Mieux vaut donc éviter de les consommer en même temps que des aliments supposés nous en apporter. Les yaourts au café ou à la rhubarbe, la purée de pommes de terre au bon lait sont excellents mais… pas pour satisfaire ses besoins en calcium.

A l’inverse, la vitamine D favorise cette absorption. Elle est naturellement synthétisée par notre organisme sous l’effet des rayons du soleil, mais vous la trouverez aussi dans les poissons gras, le jaune d’œuf et le beurre.

Cela va vous surprendre, mais sachez pourtant que les produits laitiers eux-mêmes peuvent diminuer l’assimilation du calcium ! Comme l’explique le Dr Olivier Coudron, nutritionniste et fondateur du SIIN (Scientific Institute for Intelligent Nutrition) de Nivelles (Belgique), « une consommation importante de certains produits laitiers, sans contrepartie avec des produits végétaux dans l’assiette provoque une acidose métabolique latente. Laquelle provoque à son tour une fuite de calcium par les urines. Dire ‘si je mange plus de produits laitiers, mes os seront en meilleure santé’ est un raccourci erroné ».

En effet, les protéines animales provenant des produits laitiers contiennent des ions sulfate, générateurs d’acidité. Pour contrebalancer cette dernière, du bicarbonate de calcium est indispensable. D’où vient-il ? Des os que l’on essaie de protéger en mangeant sa ration de fromage… Comment résoudre ce dilemme ? En associant les produits laitiers à des aliments qui vont neutraliser cette acidité – on appelle cela des aliments « basiques ». Ce sont particulièrement certains fruits et légumes. Ne choisissez donc plus entre la poire et le fromage, prenez les deux !

Choisir les bons produits laitiers
Les produits laitiers forment un groupe très hétérogène. Ils contiennent certes du calcium, mais aussi pour la plupart des sucres, des graisses, du sel… Ainsi les yaourts aux fruits industriels contiennent-ils davantage de sucres que les yaourts nature. Ajoutez donc des fruits frais ou surgelés à ces derniers, ils seront moins caloriques, tout en respectant l’équilibre acido-basique évoqué plus haut!

Le lait contient des matières grasses et du lactose (un sucre bien connu de ceux qui y sont intolérants…). « Privilégiez le lait demi-écrémé, il contient autant de calcium que le lait entier. Ou alors, optez pour un lait de la filière oméga 3, dont le profil lipidique est plus favorable à la santé » conseille Olivier Coudron.

Les fromages pour leur part, sont parfois contrariants : les plus riches en calcium sont aussi les plus gras ! Mieux vaut donc ne pas abuser du Gruyère, par exemple… D’autres sont très riches en sel (Roquefort, Fêta), ce qui ne plaide pas non plus pour une consommation trop importante.

Attention aussi à la crème fraîche et au beurre : riches en graisses et pauvres en calcium, ils appartiennent à la famille des corps gras plus qu’à celle des produits laitiers.
Enfin gare aux desserts « enrichis en calcium ». Dans 100g d’une barre chocolatée bien connue, vous trouverez certes 320 mg de calcium mais aussi… 550 kcal ! A ne consommer que de façon très occasionnelle.

Pour connaître la composition de tous les aliments, consultez la table CIQUAL de l’AFSSA. Et pour vérifier la teneur en sel et en gras des fromages, rendez vous sur le site du PNNS.

  • Source : PNNS – ENNS – INCA 1 et INCA 2 – SIIN – Interview Dr Olivier Coudron, 2 décembre 2009 – Guide nutrition et santé, Vidal, Larousse Diffusion, 480 pages, 24 euros.

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