Alzheimer : un quotidien au rythme de la maladie

20 décembre 2011

La vie de Françoise, 62 ans aujourd’hui, a basculé voilà 18 mois. Très précisément lorsque ses médecins ont posé deux mots sur les troubles dont Guy, son mari âgé de 83 ans, souffrait depuis quelque temps : maladie d’Alzheimer. Au-delà du choc, elle a dû accepter ce bouleversement, vivre avec « le Père Al », puisqu’elle surnomme ainsi la maladie «silencieuse et pernicieuse » qui frappe son mari. Et surtout apprendre à cohabiter avec un époux qui n’est plus tout à fait lui-même.

La maladie, Françoise l’a découverte un peu par hasard. Cela fait désormais trois ans que les premiers signes ont fait leur apparition. «Tout a commencé par un changement de comportement. Une violence verbale, une grossièreté que je ne connaissais pas chez mon mari » nous a-t-elle expliqué. «A tel point que nous étions au bord du divorce ». Françoise est inquiète. Elle a bien une petite idée, mais elle redoute d’en avoir confirmation par les médecins de l’Unité Charcot du CHU d’Angers. Celle-ci pourtant, tombe rapidement. «Votre mari souffre de la maladie d’Alzheimer ».

Depuis lors évidemment, Françoise est aux petits soins pour son mari. «A tel point que j’ai l’impression d’être devenue une femme soumise » nous confie-t-elle non sans humour. Aucune légèreté pourtant, dans la situation vécue par l’un et l’autre. «Les intérêts et les passions de mon époux s’éteignent petit à petit », dit-elle dans un souffle.

« Une maladie indéfinissable »

Le couple continue de vivre à son domicile. «C’est une phase difficile. Guy est suffisamment atteint pour nécessiter la présence d’un aidant familial… mais pas assez pour intégrer une structure encadrée ». Dès lors, le quotidien de Françoise s’articule autour de sa maladie. En tenant étroitement compte de toutes ses contraintes. «Mon mari a perdu la notion du temps. Il confond par exemple le matin et le midi, si bien qu’il va préparer à nouveau la table du petit-déjeuner en milieu de journée… » Le passé même lointain, et le présent se télescopent parfois étrangement. «Guy est un ancien résistant. Il voit des Allemands partout. De même, comme il est amateur de bricolage, il achète souvent des outils. Mais il oublie systématiquement où il les range. Il s’en procure à chaque fois de nouveaux». Lui en revanche, ne semble pas conscient de son état. «C’est quand même difficile quand on a toute se tête, d’avoir le physique qui ne suit plus» répète-t-il.

Une aide extérieure

Ce n’est que tout récemment, en fait, que Françoise a pris conscience de ce qu’elle-même avait besoin de soutien, et de répit. «J’étais au bord de la dépression», usée par ce quotidien non plus d’épouse mais d’aide à domicile… «Mon mari n’avait plus aucune notion d’hygiène… Dans la mesure où j’avais besoin de conserver mon emploi, il lui fallait une aide extérieure. Désormais, une personne vient chaque jour et c’est un vrai soulagement».

Parallèlement, elle a suivi une formation « d’aide aux aidants » dispensée par l’Association France Alzheimer. «J’ai réappris à prendre soin de moi. J’essaie de ne plus culpabiliser. Même si en rencontrant d’autres aidants, je me suis aperçue qu’il y a plus malheureux que moi… ce qui a tendance à me culpabiliser davantage. Cependant c’est une des clés de la formation : chaque malade est différent. Il ne faut donc pas se comparer aux autres. »

Et l’avenir ?

Le futur, Françoise n’y pense pas… ou si peu. «Je le laisse venir» nous a-t-elle confié. «Ma seule crainte serait de tomber malade, de ne plus être présente pour lui». Prochain objectif pour le couple : voir la mer. «Nous partons en vacances organisées par France Alzheimer». Histoire de lâcher prise… Un peu.

  • Source : Interview de Françoise, 1er décembre 2011

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