Chirurgie maxillo-faciale : un lambeau pour reconstruire un visage
08 novembre 2018
S_L/shutterstock/com
« Refigurer ». La chirurgie maxillo-faciale, complexe et délicate, a pour but de redonner un visage à un patient défiguré. Par ce néologisme, les médecins de cette discipline, héritiers des soigneurs des « gueules cassées » de 1914-1918, définissent leur spécialité. Le Pr Patrick Goudot, chef du service de chirurgie maxillo-faciale de l’Hôpital universitaire de la Pitié Salpêtrière (Paris) évoque une profession méconnue.
Les commémorations à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale permettent d’évoquer les progrès fabuleux en matière de reconstruction faciale depuis les ‘gueules cassées’ de 1918. La publication du roman de Philippe Lançon Le Lambeau est une autre raison d’aborder cette discipline chirurgicale pointue et souvent spectaculaire.
Cancérologie, malformations congénitales, tentatives de suicide…
« La plus grande partie de notre travail est aujourd’hui bien davantage tournée vers la cancérologie, les troubles de croissance de la face et les malformations pédiatriques », souligne le Pr Goudot. Sans compter les causes infectieuses, souvent d’origine dentaire, les morsures de chiens chez les enfants et les tentatives de suicide par arme à feu.
L’intervention constitue un processus long et douloureux pour le patient, minutieux et complexe pour le praticien. Philippe Lançon est défiguré lors de l’attentat qui a coûté la vie à 12 personnes lors de la conférence de rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Il vient de recevoir le prix Femina pour son récit racontant notamment sa reconstruction et le parcours chirurgical qui lui a permis de retrouver un visage entier. Son texte donne à voir un exemple de ce parcours semé d’embûches, physiques et psychologiques.
Reconstruire à l’aide d’un lambeau
Les patients bénéficient des immenses progrès réalisés depuis les années 1970 et 80. « C’est l’essor de la microchirurgie permettant de faire des sutures d’artères et de veines qui a permis de développer l’usage de lambeaux, comme celui du récit de Philippe Lançon », explique Patrick Goudot. « Contrairement aux débuts de cette spécialité, on prélève le lambeau dont on a besoin sur le plus adapté des tissus. » En l’occurrence, « un fragment de péroné pour reconstruire la mâchoire inférieure de l’auteur et la peau en regard de l’os pour recouvrir le menton. Ainsi que le muscle de ce même péroné pour tapisser l’intérieur de la cavité buccale. Le tout nourri par son propre réseau de vaisseaux sanguins branché sur les veines du cou ».
Une performance ? Avant les années 1970, les lambeaux devaient rester connectés aux vaisseaux sanguins de la partie du corps prélevée. Les interventions étaient donc plus difficiles et moins performantes. Mais tous les obstacles n’ont pas été pour autant balayés. « On doit reconstruire de l’os, une enveloppe cutanée et un revêtement des muqueuses. C’est cette pluri-tissularité qui reste complexe », indique le chirurgien.
Autant de difficultés à surmonter au bloc pour le chirurgien, et au quotidien pour le patient, dans le but de redonner une figure humaine à un visage défiguré, sur le plan morphologique et fonctionnel. « Il faut que le patient puisse mastiquer, parler, sentir… », détaille-t-il. Car « assis autour d’une table, en société, face à soi on a quelqu’un qui vous parle et qui mange ». Miroir de nous-mêmes, le visage est essentiel pour interagir avec nos pairs.
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Source : Association française pour le Développement de la Stomatologie, 7 novembre 2011 – interview du Pr Patrick Goudot, chef du service de chirurgie maxillo-faciale de l’Hôpital universitaire de la Pitié Salpêtrière (Paris), 6 novembre 2018
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet