Comprendre l’infarctus au féminin
25 janvier 2019
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Maladie cardiovasculaire, la dissection spontanée de l’artère coronaire représente un tiers des infarctus aigus chez les femmes de moins de 60 ans. Comment expliquer la survenue de cette pathologie chez des patientes en apparente bonne santé ? Existe-t-il d’autres pathologies du cœur aussi atypiques ?
Aujourd’hui, les femmes décèdent plus de maladies cardiovasculaires que du cancer du sein. Parmi ces pathologies, deux formes atypiques : la dissection spontanée de l’artère coronaire (SCAD) et la dysplasie fibromusculaire (DFM).
La SCAD touche presque uniquement les femmes non ménopausées. Grave et peu connue, elle est à l’origine d’un infarctus aigu sur trois dans la population féminine de moins de 60 ans. Loin d’être anodins, ces chiffres ne seraient que la partie émergée de l’iceberg. En effet, « le nombre de ces infarctus est nettement sous-estimé car les patientes ne présentent pas les facteurs de risque classiques, comme un taux élevé de cholestérol et un surpoids, qui conduisent à une prise en charge préventive », explique le Dr Nabila Bouatia-Naji, chercheuse à l’Inserm au sein de l’équipe « Génétique de la physiopathologie des maladies artérielles* ».
Les artères déformées ?
Mais alors, quel serait l’origine de la SCAD et de le DFM ? Selon Nabila Bouatia-Naji, comme toutes les maladies cardiovasculaires atypiques, aucune accumulation de lipides n’est repérée sinon une déformation d’une ou plusieurs artères.
« Dans le cas de la SCAD, cette déformation est provoquée par une déchirure de la paroi de l’artère coronaire qui peut réduire ou bloquer le flux sanguin. » La dysplasie fibromusculaire, « entraîne quant à elle une déformation par une croissance irrégulière des cellules de la paroi des artères. Selon sa localisation, elle peut conduire à l’AVC (artère carotidienne) ou à une hypertension très sévère (artère rénale) ».
Un facteur génétique commun
La piste génétique est envisagée pour expliquer la survenue de la SCAD et de la DFM. « Un facteur génétique fréquent, localisé sur le chromosome 6, confère un risque significatif de développer ces formes atypiques », détaille le Dr Nabila Bouatia-Naji.
« Entre 40 et 80% des personnes victimes d’un infarctus de type SCAD présentent aussi des anomalies au niveau rénal ou carotidien. » Or l’équipe du Dr Bouatia-Naji a déjà identifié « sur le chromosome 6, un facteur génétique associé à un risque accru de développer les formes rénales et carotidiennes de la maladie (DFM). Nous avons voulu savoir si ce facteur était également associé aux formes coronariennes, notamment le SCAD ».
Et cette piste s’est avérée concluante. Ce facteur était en effet associé à un sur-risque de formes coronariennes de la maladie.
A l’avenir, les chercheurs espèrent mettre au point « une carte génétique exhaustive de ces maladies. Et mettre en lumière les conséquences biologiques des facteurs génétiques associés ». L’objectif sur le plus long terme étant de « mieux orienter les patientes vers des traitements qui prennent en compte les spécificités de leur profil cardiovasculaire ».
**Le Dr Nabila Bouatia-Naji exerce au centre de recherche cardiovasculaire de l’Hôpital européen Georges Pompidou – unité 970 Inserm/Université Paris Descartes, Paris Centre de recherche cardiovasculaire