Covid-19 : « dépister tout le monde serait une aberration »
19 mars 2020
Chaque jour, la liste des nouveaux cas de Covid-19 s’allonge en France. Mais le nombre de patients réellement infectés serait bien supérieur : en effet le dépistage n’est pas automatique si vous consultez votre généraliste. Les précisions du Dr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale.
Destination Santé : en cas de suspicion de coronavirus, quelle est la marche à suivre ?
Dr Paul Frappé : Premier réflexe, appelez votre médecin généraliste qui proposera une téléconsultation ou une consultation physique si nécessaire. La prise en charge se fait classiquement par une prescription de paracétamol et du repos. Et le médecin généraliste est aussi là pour répondre aux questions de son patient et à l’anxiété générée par l’épidémie du Covid-19.
Mais aucun test n’est automatiquement proposé pour confirmer la contamination au Covid-19 ?
Dr Paul Frappé : en effet, par précaution, chaque patient présentant des symptômes grippaux (toux, fièvre, maux de gorge, de tête) est considéré comme positif au Covid. Même s’il peut aussi bien souffrir du Covid-19 que d’une grippe ou d’un autre virus de l’hiver. A ce jour, le test de dépistage reste réservé en priorité aux soignants, aux patients souffrant de graves complications respiratoires, aux personnes à risque (patients immunodéprimés). Il est aussi déployé dans les EHPAD pour les trois premiers patients symptomatiques, ensuite on déclare qu’il existe un foyer contagieux dans l’établissement.
Le dépistage était pourtant automatique au tout début de l’épidémie ?
Dr Paul Frappé : oui car la situation était beaucoup plus lisible. Mais à ce stade de l’épidémie, dépister tout le monde serait une aberration. Et réaliser des tests n’est pas si simple : ce geste à haut risque infectieux s’effectue en laboratoire de ville. Or le personnel, essentiel mais non considéré comme soignant, est impacté comme tous les Français par le confinement et la garde des enfants. Et pour effectuer des tests, il faut obtenir l’autorisation des Agences régionales de santé (ARS) et disposer de kits en quantité nécessaire.
Si on ne dépiste pas les patients symptomatiques, le nombre de cas réels est donc bien supérieur aux chiffres officiels…
Dr Paul Frappé : tout à fait, d’ailleurs il faut savoir qu’à Wuhan, premier foyer infectieux en Chine, 86% des patients infectés n’ont pas été diagnostiqués*, avant le confinement. Et ces personnes seraient à l’origine de deux tiers des contaminations répertoriées. On comprend donc toute l’utilité du confinement en vigueur en France.
Combien de temps un patient à risque de Covid-19 doit-il resté confiné ?
Dr Paul Frappé : cette fenêtre est aujourd’hui laissée à l’appréciation du médecin généraliste. Mais par précaution, on estime que 14 jours de confinement total sont nécessaires si un patient consulte pour des symptômes type fièvre, toux, maux de gorge et céphalée. C’est à J+8 que les rechutes et les complications surviennent le plus souvent, comme c’est le cas pour la grippe d’ailleurs. A la maison, il faut bien nettoyer le linge de maison et les vêtements car le Covid-19 peut rester en vie pendant 6 jours à la surface des tissus.
*Avis relatif à la prise en charge des cas confirmés d’infection au virus SARS-CoV2 – Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), le 5 mars 2020
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Source : Interview du Dr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale, le 19 mars 2020
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Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet