Education : l’internat, ça se prépare

05 janvier 2022

Qu’il s’agisse d’un choix ou d’une obligation, scolariser son enfant en internat ne s’improvise pas. Personnalité de l’enfant, contexte… On fait le point sur les facteurs à prendre en compte avec Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, spécialiste de l’enfance, de l’adolescence et de la famille.

Destination Santé : Il fut une époque où l’internat était utilisé comme une menace par des parents désireux de voir les résultats scolaires ou le comportement de leur enfant s’améliorer. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?
Aline Nativel Id Hammou : Non, on est moins dans la menace de l’internat qu’à une certaine époque. Lorsqu’il est aujourd’hui question de scolariser son enfant en internat, c’est le plus souvent à un moment clé de son orientation, en fin de collège, pour des raisons géographiques ou pour des choix d’option. Les enfants sont donc préparés à l’idée de l’internat : ils savent que compte tenu de là où ils habitent ou s’ils tiennent vraiment à cette option, ils devront aller à l’internat. Dans ce cas, les enfants sont acteurs de ce choix et cela facilite l’acceptation de ce type de scolarité.

D.S. : Certains parents décident pourtant de scolariser leur enfant en internat, indépendamment de ces contraintes…
A.N.I.H. : Lorsqu’ils y pensent, c’est lorsqu’il y a des troubles du comportement chez l’enfant ou lorsqu’ils ont eux-mêmes vécu une expérience positive à l’internat, ou parce qu’il s’agit d’une tradition familiale… Ici, c’est plutôt la dynamique des parents qui prime, avec leur propre représentation de la réussite, de l’excellence scolaire, etc. La difficulté, c’est que pour justifier cette décision, les adultes vont mettre en avant l’autonomie (« on sera moins sur ton dos », etc.), là où le point le plus difficile pour les enfants, c’est la séparation. Elle peut peser plus ou moins lourd, selon leur personnalité.

 D.S. : Quels sont les enfants qui peuvent potentiellement mal vivre cette expérience ?
A.N.I.H. : On ne peut pas tout anticiper, notamment les dynamiques de groupe. Mais l’internat peut être difficile à vivre pour les enfants anxieux, qui ont besoin d’être rassurés, sécurisés par leurs adultes de référence, leur famille. Ces enfants peuvent mettre beaucoup de temps à s’adapter, ils subissent et se replient sur eux-mêmes… Il faut également être attentif au contexte : par exemple, mieux vaut éviter de scolariser en internat un enfant qui vient de vivre une perte ou un traumatisme particulier. Ou en cas de difficultés familiales comme un contexte de séparation : quel que soit son âge, l’enfant risque de penser qu’il a une part de responsabilité dans ce qu’il se passe, et donc que c’est lui qu’on éloigne. Cela peut engendrer une culpabilité qui compliquera le rétablissement du lien avec les parents.

 D.S. : A l’inverse, dans quels cas la scolarisation en internat peut-elle être bénéfique ?
A.N.I.H. : Elle ne posera a priori pas de problème aux enfants à l’aise en collectivité, qui sont demandeurs de stimulation, pas effrayés par la nouveauté, qui s’adaptent facilement… Mais même dans ces cas se pose la question de la séparation : parfois, les retours à la maison ne sont pas possibles à chaque week-end, mais uniquement pendant les vacances scolaires. Il faut pouvoir en discuter. La scolarisation en internat peut aussi être bénéfique pour un enfant qui présente des difficultés comportementales. Dans ce cas, le principal intérêt c’est que le cadre est posé par d’autres adultes que les parents. Parce que l’autorité est différente, le cadre peut être mieux accepté par l’enfant et cela peut contribuer à restaurer le lien avec ses parents.

D.S. : Quel que soit le cas de figure, comment faut-il préparer son enfant à une scolarisation en internat ?
A.N.I.H. : On ne met pas son enfant à l’internat du jour au lendemain. Il faut effectivement préparer, anticiper… même dans le cas d’un enfant acteur de ce choix. Un enfant qui entre au centre de formation d’un club de foot par exemple : il s’attendait à ce que le coach et le groupe soient sympas, mais finalement c’est très dur, on est dans la compétition, etc. Il peut y avoir une forme de désillusion, donc on discute avec lui : « qu’est-ce que tu imagines de l’internat ? », « qu’est-ce que tu penses y vivre ? ». Il faut prendre du temps avec lui, le préparer psychologiquement et émotionnellement pour diminuer les potentiels écarts entre ce qu’il peut imaginer et la réalité. Pas casser tous les espoirs mais le mettre dans un principe de réalité : « OK, l’internat ça peut être super chouette, tu seras plus autonome, etc. Mais il y a aussi des règles ». Il faut border les choses pour qu’il n’y ait pas de déception trop forte.

D.S. : Et si l’expérience n’est pas concluante ?
A.N.I.H. : Si on sent l’enfant en souffrance, si des choses ont été mises en place pour améliorer son vécu mais que cela n’a pas fonctionné, il faut être capable de lui dire que ce format n’est pas fait pour lui mais que c’est super qu’il ait essayé et que surtout, ce n’est pas grave. On trouvera un autre format qui lui sera adapté, tous ensemble.

  • Source : Interview d'Aline Nativel Id Hammou, psychologue clinicienne, spécialiste de l’enfance, de l’adolescence et de la famille, réalisée le 8 décembre 2021

  • Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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