EHPAD : l’éthique a son mot à dire

01 avril 2020

En réponse à la propagation du Covid-19, les mesures prises en EHPAD se renforcent de jour en jour pour protéger les plus vulnérables. Déplacements limités dans les couloirs, les cantines, activités collectives supprimées, confinement dans les chambres… ces décisions soulèvent de véritables enjeux éthiques auxquels répond le CCNE.

La liberté d’aller et de venir est largement impactée en ces temps épidémiques, notamment dans les couloirs des EHPAD, dans les unités de soins de longue durée (USLD).

Depuis le 28 mars, des mesures strictes de précaution sont ainsi prises par les directeurs d’établissements, même en l’absence de cas de Covid-19 dans la structure. Et ce en accord avec les équipes soignantes. L’enjeu : protéger les patients âgés, souffrant de dépendance et souvent de maladies chroniques. Une démarche relevant de l’urgence alors que l’épidémie fait de nombreuses victimes dans la population vieillissante.

De quelles restrictions parle-t-on ? Selon l’état de santé des résidents, il peut être décidé de limiter les déplacements dans les espaces collectifs (couloirs, ascenseurs, salles de lecture…). Les repas habituellement pris en collectivité peuvent être servis dans les chambres. Certains patients peuvent aussi être confinés dans leur chambre. Ces restrictions, nécessaires pour épargner les organismes fragiles de potentielles contaminations par le Covid-19, soulèvent des questions éthiques, notamment auprès des personnes souffrant de troubles cognitifs.

Entre urgence sanitaire et notion de liberté

Pour interroger les notions de protection, de liberté et de dignité des patients, Olivier Véran, ministre en charge des Solidarités et de la Santé, a saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE), le 25 mars. Dans son avis rendu le 30 mars, le CCNE exprime plusieurs points :

  • Les mesures de restriction doivent rester « temporaires, proportionnées et adéquates aux situations individuelles ». Elles doivent « associer les familles et des tiers extérieurs ». Des espaces de circulation, mêmes réduits, doivent dans la mesure du possible, être maintenus ;
  • « Pour les résidents testés négativement, la visite de proches, eux-mêmes contrôlés négativement, pourrait être autorisée, dans des conditions strictes de sécurité sanitaires. » S’ils le souhaitent, les résidents négatifs au Covid-19 pourront passer quelques jours chez leurs proches. Une organisation possible si et seulement si les résidents, le personnel et les proches peuvent avoir accès au test de dépistage du Covid-19 ;
  • La lutte contre l’isolement des personnes âgées doit rester d’actualité. Pour le CCNE, « le droit au maintien d’un lien social pour les personnes dépendantes est un repère qui doit guider toute décision prise dans ce contexte ». Le bien-être des patients dépend pour beaucoup des relations sociales. « Les en priver de manière trop brutale pourrait provoquer une sérieuse altération de leur état de santé de façon irrémédiable et même enlever à certains le désir de vivre », décrit le CCNE. Sans compter la souffrance engendrée pour les familles. Des « médiations à distance » peuvent ainsi être organisées ;
  • Pour les personnes souffrant de troubles cognitifs, le confinement peut entraîner certaines fragilités comme un risque de décompensation psychique, parce que la personne n’est pas en mesure de comprendre la situation ou de mémoriser les enjeux de la restriction des déplacements. « Faudra-t-il aller jusqu’à contraindre ces personnes en leur appliquant des mesures de contention, physique ou pharmacologique ? », interroge le CCNE. Une question des plus délicates qui doit interroger les positions des professionnels de la gériatrie et des proches, pour chaque patient ;
  • Le personnel doit être aidé. L’épidémie de Covid-19 coûte énormément aux soignants, en ressources physiques et psychologiques. Des équipes souffrant depuis plusieurs années d’une pénurie de professionnels. Pour remplacer les soignants en arrêt maladie, des professionnels de renfort doivent intervenir « afin que les soins de base (se nourrir, se laver, se déplacer) soient toujours assurés », tout comme le soutien quotidien. Des volontaires non-soignants peuvent aussi prêter main forte pour aider les résidents à se connecter sur internet, à échanger avec leurs proches ;
  • Des cellules éthiques de soutien peuvent être mises en place au sein des établissements, afin d’accompagner les résidents, les proches et les soignants.

A noter : pour aller plus loin, vous pouvez consulter le document « Enjeux éthiques face à une pandémie », mis en ligne par le CCNE le 13 mars 2020.

*Avis du Comité national consultatif d’éthique sur le renforcement des mesures de protection des résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées

  • Source : Ministère des Solidarités et de la Santé, le 1er avril 2020 - Comité consultatif national d’éthique (CCNE), le 30 mars 2020

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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