Les enfants prennent-ils trop de médicaments ?

15 juillet 2021

Tous âges confondus, les Français font partie des plus gros consommateurs de médicaments en Europe. Qu’en est-il de la population pédiatrique ? Des chercheurs dressent un bilan plutôt inquiétant du niveau de prescription chez les plus jeunes.

Du fait de leur immaturité, les enfants sont particulièrement exposés aux effets indésirables liés aux médicaments, à court et à long terme. Et pour de nombreuses prescriptions, la fragilité spécifique de la population pédiatrique n’est pas encore bien connue. Autant de points soulevés par des chercheurs de l’Inserm qui publient* aujourd’hui un rapport sur la consommation de médicaments chez les plus jeunes.

Les scientifiques ont analysé l’usage des gélules, comprimés et autres cachets auprès des jeunes patients pris en charge en pédiatrie ambulatoire entre 2018-2019. Ces données** ont été comparées à celles de 2010-2011. Au total, « plus de 230 millions de dispensations ont été analysées ».

Les moins de 6 ans les plus exposés

Résultat, « en moyenne, 86 enfants de moins de 18 ans sur 100 ont été exposés à au moins une prescription médicamenteuse au cours d’une année, ce qui correspond à une augmentation de 4% par rapport à 2010-2011 ». Les moins de 6 ans sont les plus exposés à ces prescriptions, « avec plus de 97 enfants sur 100 concernés sur une année ».

Tous âges confondus chez les mineurs, voici la liste des médicaments les plus prescrits : « les analgésiques (64%), les antibiotiques (40%), les corticoïdes par voie nasale (33%), la vitamine D (30%), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (24%), les antihistaminiques (25%) et les corticoïdes par voie orale (21%). »

Autres données : chez les moins de 6 ans, un enfant sur trois, a reçu une prescription de corticoïdes oraux. Un chiffre stable comparé à 2010-2011, « et ce malgré les effets indésirables connus de cette classe thérapeutique ». Et « 2% des nourrissons de moins de 6 semaines ont reçu une prescription d’inhibiteurs de la pompe à protons*** au cours de l’année 2018-2019, bien que la fréquence des affections pour lesquelles ce traitement est recommandé est bien inférieure à cet âge », explique le Dr Marion Taine, co-auteure de l’étude.

Zoom sur les antibiotiques

En 2011, « de nouvelles recommandations avaient été émises sur le bon usage de certains médicaments et des politiques de déremboursement ont été mises en place, ce qui devait conduire à modifier ces prescriptions », précise l’Inserm. Les chercheurs s’attendaient à un impact net de ces mesures. Bilan ? Certes, « une diminution de 12% de la fréquence de prescriptions d’antibiotiques sur les dix dernières années a été relevée », explique le Dr Taine. « Mais cela reste insuffisant car plus d’un enfant de moins de 6 ans sur deux a reçu une prescription d’antibiotique dans l’année. » Un phénomène contribuant au fléau de résistance bactérienne.

*en partenariat avec des enseignants-chercheurs d’Université de Paris au Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques (CRESS), des chercheurs de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines / Université Paris-Saclay et de l’AP-HP, le groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare

**fournies par le Système national de données de santé (SNDS)

***« Médicaments recommandés uniquement pour les complications du reflux gastro-oesophagien acide. »

  • Source : The Lancet Regional Health Europe. Inserm, le 12 juillet 2021

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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