Loi Evin : un assouplissement controversé

25 novembre 2015

Après plusieurs mois de débat, le verdict est tombé. Ce mardi 24 novembre à l’Assemblée nationale, les députés ont voté l’assouplissement de la loi Evin. Depuis 1991, cette dernière encadre la publicité sur les boissons alcoolisées en France. Considérés comme du contenu informatif et non publicitaire, les messages et images évoquant la consommation de certaines boissons alcoolisées pourront à présent être diffusés. Un vote qui divise l’opinion.

Depuis 24 ans, la loi Evin interdit la publication de messages mettant en avant de manière explicite la consommation d’alcool en France. Mais le 24 novembre 2015 risque de rester dans les annales. A 102 voix contre 32, les députés ont voté un amendement assouplissant cette loi, à l’occasion de l’examen en deuxième lecture du projet de loi de santé.

Quels changements ?

Cette modification permet de « clarifier la législation actuelle en distinguant d’une part, publicité et, d’autre part contenu journalistique, informatif tels que les reportages », peut-on lire dans l’amendement.

Concrètement, les contenus consacrés à une région de production ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique ne seront plus considérés comme de la publicité. « La publicité de l’alcool à la télévision, au cinéma et à toutes les heures à la radio devient légale », traduit le Dr Bernard Basset, membre de l’Association nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA). « La promotion de toute boisson alcoolique (bières, vin, whisky, vodka…) justifiant d’une appellation d’origine pourra être diffusée sur tous les supports. » Jusqu’ici, la publicité était seulement autorisée sur les affiches, dans la presse et à la radio (à certaines plages horaires), mais pas à la télévision.

Un danger pour la santé publique ?

Loin de faire l’unanimité, ce vote constitue « une modification profonde de l’équilibre de la loi (…). Il est regrettable et triste qu’une grande loi de santé soit défaite », a déclaré Marisol Touraine.

Ancien ministre de la santé et père de la loi éponyme, Claude Evin s’est également exprimé au micro de la Chaîne parlementaire. Les alcooliers « tentent de réouvrir le champ qui avait été limité par la loi de santé publique que j’avais développée, pour pouvoir augmenter leurs parts de marchés », explique-t-il.

Ce lobby s’oppose clairement à la stratégie de prévention visant à limiter la consommation d’alcool. Un fléau à l’origine de 50 000 décès chaque année en France. « Ces substances légales ne doivent pas être considérées comme des marchandises », déclare en effet la Fédération Addiction, dénonçant par ailleurs l’ambivalence politique. « Les mêmes élus qui ont renforcé l’interdit de vente aux mineurs et veulent sanctionner l’incitation au binge drinking, envisagent de faciliter la pression publicitaire ». Autre paradoxe, depuis 60 ans, malgré la promotion d’une hygiène de vie plus saine en prévention du cancer et des maladies cardiovasculaires, « l’investissement publicitaire des alcooliers (460 millions d’euros en 2011) est en constante augmentation », souligne la Fédération Addiction.

  • Source : Assemblée nationale, le 25 novembre 2015

  • Ecrit par : Laura Bourgault – Edité par : Dominique Salomon

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