











Voilà une année lourde de revers pour le médicament. Pour les industriels, nul n’en doute. Mais aussi pour les prescripteurs, les malades et… ses contempteurs. Les mois écoulés obèrent indiscutablement le futur et appellent le changement.
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, les secousses qui ont affecté le monde du médicament en 2004 ne se limitent pas à “l’affaire” Vioxx. Ni aux quelques autres qui ont occupé les colonnes : les vaccins contre le ROR ou le VHB, les mécomptes liés à la cérivastatine ou les dérives parfois observées dans les prescriptions d’antidépresseurs ne sont que des muleta agitées sous le mufle des média.
Les vrais fissures sont ailleurs. Dans l’esprit du prescripteur, dans celui du patient. Il est révélateur que Raymond V. Gilmartin, le président de Merck, ait décidé de répondre directement devant la Commission des Finances du Sénat américain sur la chaîne d’événements qui a mené au retrait volontaire du Vioxx. Sa démarche montre bien que la société est impliquée au plus profond d’elle-même. Pourtant malgré tous les efforts de transparence le mal est fait, la défiance installée. Elle atteint l’industrie bien sûr. Son image paraît aujourd’hui formidablement dégradée aux Etats-Unis… et bientôt également de ce côté de l’Atlantique, n’en doutons pas.
Cela ne date pas d’hier, mais de l’époque où le médicament a été banalisé. Quand il a perdu l’aura qui tenait au mystère de la recherche menée dans les laboratoires. Il y a 10 ans, on avait la culture X, Y ou Z comme on était pastorien ou disciple de Jenner. Puis les fonds de pension sont arrivés. Ils se sont saisis du médicament. Il ne s’est plus agi de prolonger la vie des retraités qui leur avaient confié leurs économies, mais d’augmenter leur richesse matérielle. Ce fut l’époque des grandes fusions acquisitions. Les identités se sont fondues derrière des mnémoniques boursiers. Le diktat de niveaux de croissance à 2 chiffres s’est installé, imposant un dogme nouveau : celui du blockbuster qui obligatoirement, devait sortir des paillasses à intervalles de 2 ans…
Les vraies responsabilités occultées
La crise de la cérivastatine, celle du Vioxx ont affecté d’abord des patients. Pourtant, les média les ont ramenées à la dimension de séismes boursiers ou de véritables délits commis au nom de la déesse Economie ! Les débats scientifiques ont été escamotés, l’analyse statistique malmenée au nom d’un certain sensationnalisme boursier. Drôle de concept ! Des responsabilités bien réelles ont été occultées. Pas tant celles des agences réglementaires qui dans tous les pays tiennent cette industrie sous tutelle, que celles des politiciens qui les ont mises en place, essentiellement semble-t-il pour se prémunir contre un remake d’une affaire du sang contaminé… Les débats au sein de l’Assemblée parlementaire française sont éclairants. Le problème n’était pas la sécurité du malade, mais l’argent.
Nul n’en sort grandi. Le prescripteur se demande de quelle illusion il est à la fois le jeu… et l’enjeu. Le malade ne sait plus quelles question se poser. La défiance rejaillit principalement sur les méga-entreprises qui tirent les ficelles, chacun pressentant l’urgence d’un retour à des interlocuteurs de dimension humaine… et donc responsables au vrai sens du terme. Capables de répondre de leurs actes. Il y a urgence car sous couvert de tout voir, tout savoir et tout interpréter, on en arrive à publier tout et n’importe quoi sur certaines questions de santé. La tendance n’est pas absolument nouvelle mais elle s’accélère. Et pas seulement dans les tabloïds d’Outre-Manche On apprend ainsi tout à trac que les préférences sexuelles ou le signe du zodiaque pourraient intervenir dans des pathologies de la reproduction ou certaines affections, comme la sclérose en plaques. A quand des articles pour réhabiliter le formidable attrait de la poudre de perlimpinpin… ?
Source : OMS, Unicef, 13 décembre 2004