Professions de santé : le « je t’aime, moi non plus » des Français

05 décembre 2003

Drôle de relation, que celle des Français avec les professionnels de santé. Ils aiment leur médecin, c’est sûr. Mais ils ne paraissent guère avoir de considération pour la profession médicale. Ils apprécient le conseil de leur pharmacien, mais les pharmaciens comme profession organisée leur renvoient l’image de commerçants «éclairés» certes, mais de commerçants tout de même… Quant à l’industrie pharmaceutique, c’est un lieu commun de dire qu’elle «fait trop de profits»…

Les Français n’éprouvent pas pour autant de la défiance vis-à-vis des professionnels de santé ! Car il est essentiel de distinguer le «vécu» de notre relation avec tel ou tel professionnel, de «l’image» que nous nous en faisons à distance. La troisième vague de l’Observatoire Europrisms Santé, réalisé par A+A et Destination Santé, s’est concentrée sur le regard que nous portons aux acteurs de la santé. Un regard flou : car selon que nous sommes malades ou bien-portants, selon notre âge et notre condition sociale, nous n’avons pas le même jugement.

S’il est un professionnel qui bénéficie d’une image extrêmement positive, c’est bien notre médecin. Mais le notre, pas celui du voisin ! Les Français sont en effet pratiquement unanimes à considérer les médecins comme des privilégiés, puisque 91% d’entre eux affirment «qu’en règle générale ils gagnent très bien leur vie». Ce qui ne les empêche pas d’avoir, avec leur médecin personnel, une relation de «totale confiance». Avec 89% d’opinions positives, c’est un véritable carton que bien des hommes politiques envieraient !

Médecins : une image brouillée
Mais cette belle confiance ne profite pas à la profession. Car la moitié des sondés estime que les médecins généralistes, pris dans leur ensemble, pêchent par leur communication. Si 76% des Français considèrent que leur médecin les conseille bien, si 80,7% estiment que leur médecin prend le temps de leur expliquer son diagnostic et sa prescription, plus de la moitié pensent que les médecins, en tant que profession organisée, n’expliquent pas suffisamment les risques d’une mauvaise hygiène de vie.

Pourquoi ? Peut-être parce que ceux qui ont la charge de représenter ces professionnels aux yeux du public lui renvoient une image différente de celle de leur médecin dans son cabinet : par la force des choses bien sûr ils parlent d’honoraires, de conditions et de temps de travail, pas de styles de vie… Résultat : pour 77% des Français «les médecins ont intérêt à ce qu’on aille souvent les voir…» Voilà un message sans ambiguïté à ceux qui représentent les médecins, dont l’image paraît brouillée par rapport à celle du bon docteur de la famille moyenne.

Le pharmacien lui, paraît mieux loti. Une très large majorité d’entre nous (79%), disent trouver toujours les conseils dont ils ont besoin quand ils se rendent à la pharmacie. Satisfaits de leur pharmacien, ils font preuve d’une fidélité quasi exemplaire, puisqu’à hauteur de 82%, ils n’aiment guère changer de pharmacie. Toutefois, pas question de lui laisser la bride sur le cou ! La substitution de génériques par le pharmacien n’est pas entrée dans les moeurs, 60% des Français assurant «ne pas aimer que le pharmacien change les produits (…) prescrits».

Des médicaments trop chers ?
Si le pharmacien est le professionnel de santé qui nous dit quand prendre un médicament, combien de fois par jour et dans quelles conditions, il reste un commerçant. Et même pour 57% d’entre nous, un commerçant particulièrement avisé, «qui vend surtout les produits sur lesquels il gagne le mieux sa vie». Il est humain, quoi…

Et pour le médicament – puisque nous parlons de pharmacie… – la France joue carrément au grand écart ! Pratiquement 9 Français sur 10 jugent le prix des médicaments «souvent anormalement élevé», et ils sont presque aussi nombreux (85%) à considérer que l’industrie pharmaceutique fait trop de profits. Des lieux communs dans l’air du temps ? Oui et non. Car ces chiffres, s’ils donnent l’impression d’un raz de marée, doivent être nuancés dans leur interprétation.

Hôpital : pagaille et inefficacité…
D’abord parce que très curieusement (?) ce sont les Français les mieux portant qui considèrent le plus mal l’industrie pharmaceutique. Cela étant, nos concitoyens sont parfaitement conscients des enjeux en cause. Ils sont une large majorité (95%) pour affirmer que sans la recherche beaucoup de médicaments n’auraient pas vu le jour. Et ils s’intéressent au sujet : 54% des sondés estiment que «l’industrie pharmaceutique devrait pouvoir communiquer directement avec les patients», seuls 21% se prononçant totalement contre cette possibilité.

Quant à l’hôpital, au centre de bien des querelles politiques depuis quelques années, c’est un peu… la bouteille à l’encre. Quarante sept pour cent des Français considèrent que «l’hôpital est mal organisé», et 71% qu’il représente « une des principales sources de dépenses de santé en France »… Ainsi l’hôpital public prend-il de plein fouet l’effet d’image – inefficace et désordonné – imputable au service public en général.

Mais lucides, les Français le sont jusqu’au bout. S’ils estiment ces dépenses justifiées, nos concitoyens ont bien compris aujourd’hui que le plateau technique compte plus, en matière de soins hospitaliers, que toute autre considération. Et – logique ou fatalisme ? – près de 60% d’entre eux considèrent qu’il ne faut pas non plus s’attendre à être mieux soigné dans le privé que dans le public.

Découvrez en détail les résultats d’Europrisms Santé.

Notice technique
Observatoire élaboré et mis en oeuvre par A+A et Destination Santé. Entretiens individuels d’une heure en face à face, du 1er au 10 juillet 2003 auprès de 1 025 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus (méthode des quotas).

  • Source : British Medical Journal, vol.327, 1er novembre 2003

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