











Certains jeunes peinent à trouver les mots pour s’exprimer. La plupart d’entre eux proviennent de milieux précaires et Alain Bentolila, linguiste et prof à la Sorbonne, met en garde contre la pauvreté du langage qui enferme ces jeunes dans un ghetto.
Il dénonce en particulier, les hypocrites qui s’extasient devant le pittoresque du langage des cités et les pédagogues qui font preuve de laxisme. Pour lui, la pauvreté du langage révèle une insécurité linguistique. Elle empêche les jeunes d’exercer leur libre parole et leur libre arbitre.
Moins un jeune a de mots dans son vocabulaire, plus il les utilise et plus ils perdent leur précision. Pas cool… Les enfants des cités manient environ 800 mots, alors que les autres en maîtrisent plus de 2 500. D’où leur sensation de deux langues bien distinctes, une langue à eux, et celle ” des autres “, et donc le profond sentiment de deux mondes différents.
Le cercle avec lequel ils communiquent se restreint. Ils restent entre eux. Et voilà comment un appauvrissement du langage conduit tout droit à la ” ghettoïsation ” ! La lecture aussi, appartient au monde ” des autres ” : une source d’enrichissement du vocabulaire à laquelle ils se refusent l’accès… L’échec devient un signe de reconnaissance du clan, dans lequel il fait bon rester.
Dommage… Car élargir son langage, c’est aussi élargir le monde. Chacun doit être capable d’argumenter ses idées et de porter sa pensée au plus loin de sa propre communauté. Comment sinon, ne pas se sentir frustré, isolé et intolérant vis-à-vis des autres qui se défendent mieux avec de simples mots ? De plus, un danger menace : le jeune devient plus malléable vis-à-vis des discours sectaires à belles phrases.
Bien sûr, les enfants des milieux aisés utilisent ce langage des banlieues. Mais ils connaissent aussi le langage habituel qui leur permet d’argumenter leurs idées avec pertinence. L’inverse n’est pas vrai… Une inégalité linguistique contribuant à l’inégalité sociale. Pour l’éviter, une condition indispensable: l’enfant et le jeune ont besoin de médiateurs aussi exigeants que bienveillants.
Source : de nos envoyés spéciaux au Medec, Paris, 16-19 mars 2004
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