Retarder l’éjaculation, ça s’apprend
02 décembre 2021
Est-il possible de retarder l’éjaculation, lorsque l’on est concerné par l’éjaculation précoce – ou plutôt prématurée, comme les sexologues la qualifient désormais plus volontiers ? On fait le point avec le Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle.
Quand parle-t-on d’éjaculation prématurée ?
Il est impossible de fixer une norme chronométrée. C’est extrêmement variable d’un individu à un autre et chez un même individu, c’est extrêmement variable d’un moment à un autre. Cela dépend aussi de la fréquence des rapports, de l’âge, du ou de la partenaire et de ses attentes… La définition que l’on retient aujourd’hui est basée sur le fait que, même si on ne peut pas donner de chiffre, l’éjaculation est quand même trop rapide et que cette situation entraîne une souffrance de l’individu et du couple. L’absence de contrôle est le dernier élément qui intervient dans cette définition, qui reste tout de même assez floue.
Pour quelle raison ?
On ne peut pas contrôler l’éjaculation, car c’est un réflexe. Elle arrive à un moment où on a atteint un certain seuil d’excitation. C’est ce seuil qui est très variable d’un individu à l’autre, etc. Mais on peut apprendre à limiter l’excitation, pour qu’elle n’aille pas au-delà d’un certain niveau qui, s’il était atteint, entraînerait inéluctablement l’éjaculation. Il est possible d’apprendre à rester en-dessous de ce niveau.
Par quel moyen ?
Il n’existe ni méthode standard, ni formule chimique qui permettrait de régler le problème. Un médicament de la famille des antidépresseurs a été utilisé en France et dans d’autres pays pendant quelques années, mais il a été retiré du marché car il entraînait trop d’effets indésirables. Je ne pense pas d’ailleurs qu’on pourra un jour trouver une molécule spécifique qui agira exclusivement sur le phénomène de l’éjaculation. Quant aux produits vendus dans les sex-shops ou sur Internet, ils ne sont pas efficaces, et peuvent même être dangereux.
Quelles sont les méthodes qui ont prouvé leur efficacité ?
Les méthodes qui consistent à conditionner notre cerveau différemment de son conditionnement habituel sont efficaces, mais il faut de l’entraînement. On parle là de toutes les techniques qui permettent d’améliorer les performances d’un cerveau : les techniques physiques d’entraînement, de répétition, ou les techniques psychologiques d’apprentissage du laisser-aller, de la relaxation, de la sophrologie, de l’hypnose… Bien utilisées, ces méthodes qui permettent de travailler sur le corps en passant par le cerveau sont très efficaces.
L’éjaculation prématurée est donc un phénomène psychosomatique ?
L’éjaculation prématurée, c’est un peu comme si, à chaque fois que vous buvez du vin, vous avez mal à la tête. Vous allez développer une angoisse de la migraine qui fait qu’avant même d’avoir bu, vous avez mal à la tête. C’est de l’anxiété d’anticipation, qui crée un stress supplémentaire au fait d’être déjà stressé, et qui, dans le cas de l’éjaculation, la rend encore plus prématurée. Ce n’est pas une constante, mais la plupart des hommes concernés sont des anxieux. Les problèmes mécaniques sont exceptionnels.
Comment agir concrètement ? Est-il utile de consulter ?
Mettre des mots sur ce symptôme, ses explications et les directions à prendre pour que les choses fonctionnent bien, c’est quand même plus simple dans le cadre d’une prise en charge chez un sexologue. Elle ne sera pas forcément très longue. On va d’abord agir sur l’apprentissage du laisser-aller, puis sur la fréquence des rapports : il faut un rythme régulier car avec un seul rapport par mois, il est difficile de régler un problème d’éjaculation. Il faut enfin comprendre que la communication dans le couple est fondamentale. C’est la problématique de l’immense majorité des couples qui rencontrent des difficultés sexuelles : ils ne se parlent pas directement. Il faut aborder le sujet le plus vite possible, avec ses mots, en exprimant ce que l’on ressent.
Est-il dangereux de retarder l’éjaculation ?
Non, on ne risque pas de cancer de la prostate en apprenant à différer l’éjaculation. Le risque, cependant, est d’aller vers le surcontrôle de l’excitation, qui peut finir par aboutir à l’anéjaculation : c’est quand on ne parvient plus à éjaculer. On observe ce phénomène depuis quelques années chez des utilisateurs chroniques de pornographie, qui régulent leur niveau d’excitation en fonction de ces images pornographiques et ne parviennent plus à atteindre un niveau d’excitation équivalent dans leur sexualité de couple, et donc à éjaculer. C’est un phénomène minoritaire par rapport à l’éjaculation prématurée – on compte cent fois mois d’anéjaculation que d’éjaculation prématurée, mais il existe et il est difficilement réversible.
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Source : Interview du Dr Francis Collier, ancien directeur du diplôme de sexologie à l’université de Lille et ancien président de la Fédération française de sexologie et de santé sexuelle, le 30 novembre 2021
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Ecrit par : Charlotte David - Edité par : Emmanuel Ducreuzet