SIDA : une drôle de guerre dans les favellas

07 mai 2007

Faut-il s’étonner de la décision du gouvernement brésilien d’invoquer « l’urgence sanitaire » prévue par les accords de l’OMC pour acquérir l’efavirenz – un antirétroviral essentiel -auprès de génériqueurs indiens ? Et cela malgré le fait que ce médicament soit toujours protégé par son brevet.

Qui peut s’en étonner ? Pas l’administration Bush qui, en octobre 2001 et alors que les ruines des Twin towers fumaient encore, contestait la propriété intellectuelle des laboratoires Bayer sur la ciprofloxacine. Le seul traitement efficace contre le bacille du charbon, par lequel les Etats-Unis se croyaient menacés…

Encore ne s’agissait-il pas d’importer des médicaments fabriqués par d’autres, mais plus simplement de les fabriquer sur place, selon les disposition des accords ADPIC. Ce qui soit dit en passant, interdisait cet accès facile à des médicaments essentiels à tout pays incapable de les produire. C’est-à-dire aux pays en développement… Ce sont les mêmes qui, seuls face à 143 Etats-Membres unanimes de l’OMC, ont annihilé par leur veto en décembre 2002, les bonnes intentions manifestées l’année précédente lors des négociations de Doha.

Comment les pays en développement peuvent-ils donc accéder aux traitements contre le SIDA ? Comment atteindre les objectifs de la stratégie Three by Five de l’OMS ?

En s’appuyant sur les efforts de l’ONUSIDA et des ONG qui se reconnaissent par exemple, dans la déclaration Free by Five relayée en France par Act-Up… Il y a aussi le Plan du Président des Etats-Unis pour l’Aide d’Urgence à la Lutte contre le SIDA (PEPFAR), lancé en 2003 par George W. Bush. Richement doté – 15 milliards de dollars sur 5 ans, c’est 6 de plus que ce dont dispose le Fonds mondial – il est contesté dans ses fondamentaux. Il prône en effet la prévention plus que les traitements, et réserverait son aide à ceux qui acceptent de prêcher l’abstinence. En Afrique, ce type d’approche montre rapidement ses limites. Il est bien possible que ce soit également le cas au Brésil.

Restent les entreprises bien sûr… Celles qui prennent en charge tous les aspects de la prévention et du traitement de la maladie. Ainsi que les laboratoires pharmaceutiques, qui produisent les antirétroviraux et les offrent à des prix extrêmement réduits aux pays concernés. A moins qu’ils n’accordent des contrats de licence à des génériqueurs. C’est précisément le cas de l’américain Merck – en cause dans le coup de force brésilien – qui a consenti à une telle licence… sur l’efavirenz pour un génériqueur sud-africain. Celle-ci pourtant n’est valable qu’en Afrique australe et dans l’océan indien. Elle ne peut s’appliquer à une exportation au Brésil par exemple…

Dans un communiqué en réponse à la décision du président «Lula » Da Silva, Merck affirme « regretter » cette dernière. Ses dirigeants ne manquent pas non plus de souligner que le signal ainsi adressé à des industries engagées dans des recherches extrêmement coûteuses est susceptible de les « refroidir »… Ils font observer surtout, que les prix de ces médicaments essentiels « doivent être adaptés au niveau de développement économique et au fardeau que le VIH représente pour les pays concernés ». Ils estiment donc ne pas devoir consentir au « riche » Brésil – ce dernier représente la 12ème puissance économique mondiale – les mêmes conditions qu’aux états les plus déshérités. L’industriel, qui depuis 20 ans a totalement financé plus de 250 millions de traitements contre l’onchocercose, trouve il est vrai quelque légitimité à s’exprimer de la sorte !

Une chose est certaine. Lorsqu’en matière de santé les ponts sont rompus, c’est toujours le malade qui paie l’addition. La bonne nouvelle, c’est que les autorités brésiliennes comme le fabricant de l’efavirenz se disent « ouverts à une reprise du dialogue ». Ne reste qu’à pousser la porte…

  • Source : OMS, ONUSIDA, Act-Up, PEPFAR, Merck and C°

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