Terrorisme : des exercices dans les écoles, trop d’angoisse pour les enfants ?

05 octobre 2016

Avant les vacances de la Toussaint, tous les établissements scolaires devront avoir réalisé un exercice « attentat intrusion ». La seule évocation d’un tel entraînement dans le cadre scolaire, a fortiori dans une école maternelle, met mal à l’aise. Quel impact cela peut-il avoir sur les plus jeunes ? Le point avec le Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers.

« Chaque établissement scolaire doit mettre à jour son Plan particulier de mise en sûreté (PPMS) », rappelle le ministère de l’Education nationale sur son site internet. « Un des (3 ndlr) exercices (obligatoires pour l’année 2016-2017) devra être organisé avant les vacances de la Toussaint (du 19 octobre au 2 novembre), prioritairement celui portant sur ‘attentat intrusion’. »

Mais de quoi s’agit-il exactement ? Les chefs d’établissement attendaient encore à la fin du mois de septembre de recevoir les indications précises concernant la mise en œuvre de ces exercices. Toutefois, le ministère indique que « le jour de l’exercice, une alarme est déclenchée. Chacun doit [alors] réagir en suivant une des deux postures identifiées en cas d’attaque : s’échapper ou s’enfermer ».

Le risque ? « Un sentiment d’insécurité chez l’enfant », souligne le Pr Philippe Duverger. « Pour exister, un enfant a besoin de se sentir en sécurité, d’être insouciant. Sinon ce n’est plus un enfant. » Mais « la sécurité ressentie par le petit n’a rien à voir avec la sécurité des adultes, celle qui est établie par des procédures », poursuit-il. Au contraire, « toutes ces questions ne doivent pas reposer sur leurs petites épaules, sur ce qu’ils doivent faire ou apprendre à faire ».

Dans ce cas, « l’école risque de devenir un lieu angoissant, un lieu dangereux », s’inquiète le pédopsychiatre. Les petits pourraient alors développer des « troubles anxieux, des troubles du sommeil ou encore des troubles de type phobique ou relationnel ».

Le ministère semble conscient de cet aléa, en particulier chez les maternelles. « Evoquer la possibilité d’une intrusion d’une personne dangereuse dans l’école risque d’angoisser inutilement les enfants. Avant le CP, il n’est pas nécessaire d’expliciter les raisons des exercices PPMS intrusion/attentat », précise-t-il. « Le terme choisi pour nommer ces exercices avec les enfants est important », peut-on lire sur son site. « L’appellation ‘Exercice PPMS intrusion/attentats’ n’est utilisable que dans la sphère adulte. Vis à vis des enfants, on peut parler par exemple d’exercice pour apprendre à se cacher. »

Mais les enfants seront-ils dupes ?

« L’enfant est sensible au vécu de l’adulte responsable de lui », rappelle le Pr Duverger. « Il est très docile et va faire ce que lui indique sa maîtresse ou son maître. Mais si l’adulte est paniqué, le petit le ressentira et s’en trouvera perturbé. »

« Je ne sais pas comment les enseignants vont présenter ces exercices aux enfants », admet-il. Mais « si les instructions ne sont pas très claires, la confusion risque d’être totale ». Or pour le moment, rappelons-le, de nombreux enseignants n’ont pas encore reçu de détails sur la manière précise de mener ces exercices.

  • Source : interview du Pr Philippe Duverger, 15 septembre 2016 – site internet du ministère de l’Education nationale, consulté le 15 septembre 2016

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche

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