











Accueil » Santé Publique » Une assemblée sous pressions ?
Chaude ambiance à Genève pour la 58ème Assemblée de l’OMS. La météo n’est guère estivale, mais certaines stratégies sanitaires globales sont ouvertement mises en cause. Et c’est le cas d’options que les observateurs jugent généralement comme emblématiques.
L’avenir du Programme “3 par 5” par exemple, est mis en cause dans un éditorial du Lancet. Lancé en 2003 par l’OMS et l’ONUSIDA ce programme est généralement considéré comme la “signature stratégique” de l’actuel directeur général de l’OMS, le Coréen Lee Jong-wook. Une signature qui, affirme notre confrère, ne sera pas honorée si les Etats Membres les plus concernés par la pandémie de VIH ne se jettent dans la bataille.
“A côté de succès considérables en Ouganda et au Botswana par exemple, puisque dans ces deux pays la moitié de la population atteinte bénéficie de soins basés sur les antirétroviraux, la distribution est insuffisante en Afrique du Sud, au Nigeria, au Zimbabwe, en Tanzanie, en Ethiopie.” Des Etats où les politiques de santé n’ont jamais été considérées comme prioritaires. L’éditorialiste du Lancet souligne à l’envi que l’ambition affichée par le programme onusien -traiter à la fin 2005 la moitié de ceux qui en ont besoin, n.d.l.r.- était “bien modeste“. Il déplore aussi la tragédie d’un échec annoncé, puisque “beaucoup de ceux qui ont le plus besoin de traitement vont en être privés et en mourir.” Une tragédie d’autant plus injuste “que ce programme a fait perdre de vue d’autres projets d’une importance cardinale.”
Au Lancet qui conclut ses propos par un appel à plus de leadership de la part de l’OMS et de l’ONUSIDA, répond comme en écho un article publié -dans le British Medical Journal cette fois- par un ancien directeur exécutif de l’OMS, le… Sud-Africain Derek Yach. Ce dernier enseigne désormais à l’université Yale (USA) et ses travaux de recherche sur la prévention des maladies chroniques sont financés par le laboratoire danois Novo Nordisk. Il appelle lui aussi l’Organisation à faire preuve, précisément, de plus de leadership… Un véritable article-programme qui, tout en soulignant les efforts très intenses de l’OMS en faveur de la Santé dans le monde, appelle ses dirigeants à recentrer son action sur son mandat historique : “promouvoir de vraies politiques de santé, et non mettre en place des stratégies thérapeutiques.” Selon lui les dirigeants de l’OMS ont oublié qu’ils doivent donner aux pays les moyens d’établir leurs politiques. Pas les mettre en oeuvre, ce qui relève des Etats Membres ou à défaut, d’organisations humanitaires.
Le débat n’est pas que politique. Le Pr Yach ne nie pas “les bonnes intentions” sous-jacentes au Programme “3 par 5”. Il souligne simplement que ces efforts détournent l’OMS de la mise en oeuvre d’une stratégie mondiale pour la nutrition et contre l’obésité, ou de la Convention-cadre pour la lutte anti-tabac. Des tâches qu’elle est seule à pouvoir mener à bien, alors qu’il ne manque pas d’ONG pour les actions de terrain. L’affrontement ne fait que débuter. Car les programmes évoqués par Derek Yach et dont il n’est pas seul à déplorer la relative déshérence, contrarient aussi de (très) puissants intérêts économiques.
Source : The Lancet, vol.365, n°9471, 7 mai 2005 et BMJ vol. 330, 14 mai 2005, 1099-1100
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