Big Data : Internet s’organise pour traquer les épidémies

07 janvier 2014

Internet« Suis malade ». « Le médecin me dit que c’est la gastro ». « Cloué au lit. Grippe »… Chaque jour en France et dans le monde, des milliers d’internautes glissent ce type de messages sur les réseaux sociaux. Et si ces ‘post’ étaient utilisés à des fins de santé publique pour traquer et/ou anticiper les épidémies ? Plusieurs outils se développent, notamment en France où l’on privilégie la participation des internautes. Plongée au cœur de l’épidémiologie 2.0.

Réseaux sociaux. L’idée d’utiliser Twitter® et autre Facebook® pour évaluer ou contrôler l’ampleur d’une épidémie n’est pas nouvelle. Le système repose sur l’analyse des messages postés sur les réseaux sociaux, couplée avec celle des données de géolocalisation de l’auteur. Autrement dit, les scientifiques créent ou exploitent des outils qui comptabilisent l’occurrence de certains mots (« choléra », « grippe », « toux », « gastro »…) dans les messages. Ils les associent ensuite à des territoires géographiques.

En 2011, une étude parue dans the American Journal of Tropical Medicine and Hygiene avait montré par exemple l’intérêt de Twitter® pour suivre l’évolution de l’épidémie de choléra qui avait fait suite au séisme en Haïti.

Moteurs de recherche. Au-delà des réseaux sociaux, une analyse fine des requêtes effectuées sur les moteurs de recherche peut également être réalisée. C’est ainsi que des outils comptabilisent la présence de tel ou tel nom de médicament ou de maladie sur les moteurs, sur une période donnée. Des applications comme GoogleFluTrends ou des sites comme Sickweather fonctionnent ainsi. Avec quelle fiabilité ? C’est toute la question.

L’an passé aux Etats-Unis, les algorithmes de Google se seraient en effet emballés, en surestimant le niveau d’activité grippale de certains Etats. Il existe aussi des exemples plus prometteurs, notamment en matière de pharmacovigilance. En mars 2013, des chercheurs américains ont montré – a posteriori – que l’étude des moteurs de recherche aurait pu mettre en évidence des cas d’interactions médicamenteuses (hyperglycémie) chez des patients prenant de la paroxétine (un antidépresseur) et de la pravastatine (hypocholestérolémiant).  En octobre dernier, dans la revue Science, des chercheurs canadiens  ont également observé l’intérêt que pouvait représenter l’étude des moteurs de recherche lors d’une épidémie.

Ne plus les ignorer… Quelle place occupent ces différents outils dans les systèmes actuels de pharmacovigilance basés sur les remontées de médecins ? Pour le Pr Antoine Flahault professeur de biostatistique à l’Université Paris Descartes, « la question n’est pas aujourd’hui de prétendre que la surveillance épidémiologique traditionnelle n’a plus sa place ou sera remplacée par l’Internet. Mais plutôt de se rendre compte que l’on ne peut plus être responsable de la surveillance épidémiologique de son pays sans connaître les nouveaux apports que fournissent les réseaux sociaux ».

GrippeNet.fr, façon « crowdsourcing ». Une autre stratégie est d’inviter les internautes à participer à la surveillance, à l’image du système français GrippeNet.fr. Lancé en 2011  par l’équipe du Réseau Sentinelles (INSERM/UPMC) et l’Institut de Veille sanitaire (InVS), il vise à compléter les systèmes de surveillance traditionnels, basés sur la collecte d’informations auprès des médecins.

« Pour l’heure, les premiers bilans confirment dans l’absolu l’intérêt de ce style de surveillance », nous explique Caroline Guérrisi, ingénieur et animatrice du réseau GrippeNet. Mais pour que les informations soient les plus fiables possibles, les instigateurs doivent rassembler un maximum de participants. En 2012, ils étaient 6 000 à avoir rempli un questionnaire de profil – lors de l’inscription – et à répondre chaque semaine à quelques questions notamment sur les éventuels symptômes.

« La participation est effectivement un point à améliorer », poursuit la scientifique. Comme le système est basé sur le volontariat, certains sous-groupes comme les moins de 30 ans et d’une manière générale les hommes – seulement 40% des inscrits – sont moins représentés que d’autres. Alors si vous souhaitez devenir un membre actif de la surveillance de l’activité grippale, rendez-vous sur le site grippenet.fr.

Ecrit par David Picot – Edité par Vincent Roche

  • Source : Interview de Caroline Guérrisi, 6 janvier 2014 - Nature, 13 février 2013 - Science 4 October 2013: Vol. 342 no. 6154 pp. 47-49 - Am J Trop Med Hyg 2012 vol. 86 no. 1 39-45 – Blog du Centre Virchow Villermé http://virchowvillerme.eu/ (Antoine Flahault).

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