2023, la révolution thérapeutique dans la dermatite atopique

09 novembre 2023

Dans l'eczéma, ou plus précisément la dermatite atopique, après des décennies de calme plat, plusieurs biothérapies et molécules disponibles depuis quelques mois ont transformé le traitement et la vie des personnes souffrant de formes modérées et sévères.

La dermatite atopique est la maladie de peau la plus courante. Cette dermatose inflammatoire chronique touche 4 à 5 % de la population française, le plus souvent dès l’enfance. La peau présente des rougeurs, gonflements, desquamations, démangeaisons (prurit), parfois accompagnés de douleurs et de sensations de brûlure.

Cette maladie est multifactorielle. Elle résulte de l’altération de la barrière cutanée, rendue perméable aux agressions de l’environnement. De plus, le système immunitaire est anormalement stimulé. Cette réponse immunitaire est influencée par des facteurs génétiques et environnementaux, notamment l’exposition à la pollution et aux agents microbiens. 

La sévérité de l’eczéma sévère réduite jusqu’à 90 % 

Pour 60 à 70 % des patients, la maladie est légère, ayant un impact limité sur leur qualité de vie. 30 % présentent une forme modérée nécessitant un traitement régulier, et 10 % souffrent d’une forme sévère, extrêmement invalidante, exigeant une prise en charge spécialisée.

Aucune innovation thérapeutique n’avait eu lieu depuis 2001 pour soulager ces patients. Les options étaient donc très limitées chez ceux qui ne répondaient ni aux traitements topiques (émollients/hydratants, corticoïdes en crème) ni aux immunosuppresseurs (tacrolimus et ciclosporine). Cependant, l’arrivée de nouveaux médicaments y compris en 2023 tels que les anticorps monoclonaux et les inhibiteurs des janus kinases bouleversent le traitement des formes sévères de la maladie (en cas d’échec ou de contre-indication à la ciclosporine). Et ce n’est que le commencement !

« Dans l’ensemble, grâce à ces nouveaux médicaments, on observe chez les malades sévères une amélioration allant de 60 à 90 % du score de sévérité de la maladie  », se réjouit le Pr Marie Jachiet (Service de Dermatologie, Hôpital Saint-Louis, APHP Nord, Paris). « Certains peuvent même présenter une rémission totale et être “blanchis”. »

Biothérapies et anti-JAK révolutionnent le traitement de l’eczéma  

En ce qui concerne les anticorps monoclonaux, le dupilumab est arrivé dès 2018, suivi par le tralokinumab fin 2022. Ce sont des anticorps de synthèse administrés par injections sous-cutanées (au niveau de l’abdomen, des cuisses ou du haut du bras) tous les 15 jours. Ces anticorps empêchent la protéine inflammatoire (la cytokine) d’activer l’inflammation.

Quant aux inhibiteurs des kinases Janus (“anti-JAK”), tels que le baricitinib, l’upadacitinib et l’abrocitinib, ils sont disponibles depuis 2022-2023 sous forme de comprimés à prendre quotidiennement. Ces immunosuppresseurs d’un nouveau type sont efficaces dans environ 70 à 80 % des cas, en ce qui concerne l’upadacitinib et l’abrocitinib. Ils sont plus puissants, mais aussi moins ciblés, d’où un risque infectieux nécessitant une évaluation préalable avant la prescription, tenant compte des antécédents de cancer, de maladies cardiovasculaires, et de l’âge, notamment au-delà de 65 ans.

Tous ces traitements sont coûteux, entre 800 et 1200 euros par mois (avec une prise en charge variable par l’Assurance-maladie). 

Comment choisir ?

Question difficile. « Il n’existe pas de positionnement officiel en France concernant les biothérapies par rapport aux anti-JAK, ni même entre les différentes molécules elles-mêmes », répond le Pr Jachiet. « Cependant, des recommandations sont en cours de rédaction par le Groupe de Recherche sur l’Eczéma ATopique (GREAT) de la Société française de dermatologie. Le choix du traitement dépend de plusieurs facteurs, notamment le mode d’administration, le profil d’efficacité et de tolérance des différentes molécules, la présence de comorbidités atopiques (comme l’asthme), d’autres antécédents ou maladies associées (tels que des problèmes cardiovasculaires, thromboemboliques, infections, ou cancers), la préférence du patient, le profil du patient (y compris l’âge), et le délai d’action des traitements. » En effet, les anti-JAK sont légèrement plus puissants durant les premiers mois de traitement.

La recherche en pleine effervescence

« Des solutions thérapeutiques existent, et de nombreux nouveaux traitements voient le jour. Par conséquent, j’encourage les personnes atteintes de dermatite atopique à reconsulter leur dermatologue pour discuter des nouvelles options disponibles », conseille le Pr Jachiet.

De nombreux autres produits biologiques et/ou petites molécules font actuellement l’objet d’essais cliniques. Parmi ceux-ci, on peut citer le némolizumab (anti-IL-31Rα), qui semble particulièrement efficace contre les démangeaisons, ainsi que les anticorps monoclonaux anti-OX40.

 

  • Source : Interview du Pr Marie Jachiet (Service de Dermatologie, Hôpital Saint-Louis, APHP Nord, Paris) et conférence de presse à l’occasion du prochain congrès de la Société française de dermatologie (décembre 2023).

  • Ecrit par : Hélène Joubert – Édité par Emmanuel Ducreuzet

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