Consentement: légiférer pour protéger les enfants
21 novembre 2017
Elena Yakusheva/shutterstock.com
Deux décisions judiciaires récentes concernant le consentement à des rapports sexuels d’enfants de 11 ans font polémique. Dans les deux cas, des hommes de près de 30 ans ont eu des relations physiques avec des petites filles de 11 ans. Mais comme la loi française ne définit aucun âge en-dessous duquel l’argument du consentement ne peut être avancé, le viol n’a pu être retenu. Mais à quel âge un enfant est-il capable de décider en conscience d’un rapport sexuel ? Qui plus est avec un adulte ?
« Il n’est pas envisageable qu’un enfant de 11 ans puisse donner un consentement entier et éclairé sur ce qu’est la sexualité », estime le Pr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers. « Particulièrement avec un adulte. »
Les faits. Un homme a été acquitté pour le viol d’une fillette de 11 ans en 2009. Les jurés de la Cour d’Assises ont estimé qu’il n’y avait pas eu de « violence, contrainte, menace ou surprise » (définition du viol dans la loi). Ce verdict a soulevé la nécessité d’inscrire un âge minimum de consentement à un acte sexuel.
Un second fait divers a renforcé le débat sur l’âge de présomption de non-consentement des mineurs. Une autre petite fille de 11 ans a eu des relations sexuelles avec un homme 28 ans. Le parquet ayant retenu l’absence de violences physiques en a déduit qu’il n’y avait eu ni viol, ni agression sexuelle, mais atteinte sexuelle à mineur. Le procès devant le tribunal correctionnel de Pontoise a été renvoyé au 13 février, le temps d’examiner une question de procédure soulevée par la défense.
La limite d’âge en question
En attendant, la ministre de la Justice et la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes se sont emparées de la question. Selon Marlène Schiappa, un âge devrait bien être intégré à la loi et se situerait entre « 13 et 15 ans ». En tout cas, dans la loi contre les violences sexistes et sexuelles, qui doit être soumise en 2018, « la création d’un seuil de présomption de non-consentement irréfragable est prévue », a assuré la secrétaire d’Etat.
« Il faut légiférer », acquiesce le Pr Duverger. « Car il s’agit de protéger les enfants. Et je crois que 15 ans est raisonnable. » En effet, en dessous de cet âge, « l’enfant ne peut pas être dans un discernement précis ». Cette limite correspondrait alors à celle de la majorité sexuelle en France. Rendant ainsi cohérente la législation.
« Bien entendu, il existe des degrés de maturité différents en fonction de chaque enfant », nuance Philippe Duverger. « Nous observons dans notre pratique clinique que certaines jeunes filles enceintes à 14 ans s’inscrivent dans un projet de grossesse avec un jeune garçon de 17 ou 18 ans. Tandis que d’autres, à 16 ans, sont complètement perdues. » Toutefois, le détail de la différence d’âge (30 ans pour les agresseurs des petites filles de 11 ans) est « évidemment une circonstance aggravante ».
Voilà pourquoi, « la loi doit protéger les enfants et permettre, dans les cas limites, aux expertises de nuancer les verdicts », poursuit-il. Ainsi, dans l’hypothèse d’une loi du seuil de présomption de non-consentement à 15 ans, « une relation entre une fille de 14 ans et 8 mois et un garçon de 18 ans et 3 mois pourrait mener à une accusation de viol si les parents portent plainte », explique le pédopsychiatre.
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Source : interview du Dr Philippe Duverger, pédopsychiatre au CHU d’Angers, 17 novembre 2017
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet