Accès aux soins : Médecins du Monde alerte sur la précarité
16 octobre 2015
©Phovoir
Les difficultés d’accès aux soins des plus démunis en France ne faiblissent pas. Et c’est un euphémisme. En 2014, Médecins du Monde (MdM) a effectué 40 790 consultations médicales et plus de 22 000 consultations sociales au sein de ses Centres d’accueil de soins et d’orientation (Caso). Isolement, conditions de vie particulièrement alarmantes, renoncement aux soins, voilà ce qui ressort du rapport 2015 de l’Observatoire de l’accès aux droits et aux soins de l’ONG. Laquelle interpelle les pouvoirs politiques, notamment sur la question des migrants.
La population rencontrée dans les programmes de MdM est jeune et majoritairement masculine. Près de 95% des personnes reçues sont des ressortissants étrangers, principalement originaires d’Afrique subsaharienne puis du Maghreb et de l’Union européenne.
Un constat sanitaire alarmant
Première observation, 97,7 % se trouvent en deçà du seuil de pauvreté et parmi eux 35,7% ne disposent d’aucune ressource pour vivre. Fort logiquement, les mauvaises conditions de vie que rencontrent ces populations génèrent certaines pathologies (principalement respiratoires, digestives, ostéoarticulaires et dermatologiques). Sans compter des taux de couverture vaccinale bien inférieurs aux recommandations. Du côté des hépatites B et C et du VIH, moins de 30% des personnes interrogées ont connaissance de leur statut sérologique.
L’état de santé bucco-dentaire est lui aussi particulièrement dégradé. Là encore, « ce mauvais état dentaire est lié au défaut de prise en charge ainsi qu’à une hygiène de vie et une hygiène alimentaire défaillantes dans les situations de grande précarité ».
Par ailleurs, plus d’un patient sur dix évoque des difficultés financières (impossibilités d’avancer les frais, de souscrire à une complémentaire santé…).
Pour lutter contre ces inégalités d’accès aux soins, MdM défend la généralisation du tiers payant. L’ONG appelle également à « rendre la couverture maladie universelle accessible à toutes les personnes installées sur le territoire français et justifiant de revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Par ailleurs, il convient d’offrir à ces populations des lieux spécifiques, accessibles à tous, avec ou sans couverture maladie. »
Les campagnes ne sont pas épargnées
Les espaces ruraux sont loin d’être épargnés par la précarité. Un exemple ? Depuis mai 2013, Médecins du Monde a mis en place en Auvergne un dispositif qui accompagne les personnes vulnérables en milieu rural. A ce jour, plus de 300 consultations sociales, plus de 100 consultations de santé (médicales, infirmières, psychologiques) et plus de 100 accompagnements physiques vers des structures de droit commun ont été effectués.
Une grande majorité des sujets déclare rencontrer des difficultés et se sentir isolée. Près de 50% reconnait avoir déjà renoncé à des soins alors que la majorité a au moins un problème de santé et considère son état de santé comme mauvais ou médiocre.
Calais, symbole de l’insuffisance des pouvoirs publics
L’année 2014 a surtout été marquée par un contexte inédit. A Calais, la situation devient de plus en plus alarmante. Les migrants sont aujourd’hui plus de 4 000 à vivre dans des conditions sanitaires déplorables sur le site d’une ancienne décharge. « Depuis le mois de juillet, face à l’absence de réponse adaptée du gouvernement et face à l’ampleur des besoins vitaux, Médecins du Monde a développé avec d’autres associations une opération d’urgence à l’image de ce qui peut être fait à l’international sur les zones de catastrophes naturelles ou de conflits ».
Et c’est bien là le problème pour MdM, le manque d’intérêt des pouvoirs publics. Au regard du projet de loi de santé, l’ONG explique qu’il « ne sécurise pas assez les structures de soins de premier recours (PMI, centres de santé, Pass…) dont beaucoup sont en difficulté voire menacées, alors qu’elles sont essentielles. Dans le domaine de la prévention, le texte ne prévoit rien sur les dispositifs pour aller à la rencontre des populations les plus déshéritées, dont l’efficacité est pourtant démontrée… ». Ainsi, Médecins du Monde apostrophe les plus hautes instances en vue de « mesures pour améliorer les conditions d’accueil des migrants, à la hauteur des enjeux et des difficultés rencontrées par les associations. »
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Source : Médecins du Monde, 15 octobre 2015
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Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet