Addiction : gare à tous les médicaments agissant sur le cerveau

20 décembre 2016

L’addiction aux médicaments est un phénomène en augmentation en France. Et le profil des personnes touchées s’est largement diversifié. Et pour cause, la dépendance aux molécules thérapeutiques ne concerne plus seulement des toxicomanes. Cette problématique a été longuement abordée au cours de la 5e journée de Pharmacologie médicale du programme DHUNE* le 2 décembre dernier à Marseille.

Une dépendance aux médicaments se caractérise par « une perte de maîtrise de la part du patient », explique le Dr Joëlle Micallef, responsable du Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacovigilance (CEIP Addictovigilance) PACA Corse. « Une spirale infernale fait alors perdre au patient la maîtrise des prises et de l’arrêt du médicament. »

Quels médicaments sont concernés ? « Tous les médicaments agissant au niveau du cerveau, et passant donc la barrière encéphalique, peuvent exposer à un risque d’addiction », indique le Dr Micallef. Ce qui est le cas des antalgiques ou des traitements des troubles de l’attention notamment. Mais pas uniquement. « Certains médicaments ne sont pas indiqués spécifiquement pour leur action sur le cerveau, ce qui ne les empêchent pas d’en avoir une », rappelle–t-elle.

Certaines molécules n’ont ainsi aucune indication au niveau du système nerveux central mais peuvent conduire à des effets neurologiques et psychiques caractérisant l’addiction. Il s’agit par exemple de médicaments antirétroviraux ou de traitements contre le diabète. Le développement de médicaments contre la maladie de Parkinson entraîne aussi une augmentation du nombre de molécules susceptibles de causer une dépendance. Les traitements de la schizophrénie enfin, tout comme de certains antibiotiques utilisés en réanimation ont des effets neurologiques à ne pas négliger.

Des facteurs de risque ?

« L’accessibilité d’un produit favorise indéniablement le risque d’addiction », souligne le Dr Micallef. C’est pourquoi les antalgiques, très largement prescrits en France, sont particulièrement contrôlés. « Le dispositif pour surveiller les données de vente et d’exposition ainsi que le nombre de cas d’abus est essentiel. »

Mais là n’est pas le seul facteur de risque. « Chez certains sujets, la prise de médicaments peut procurer du plaisir, tandis que chez d’autres, cet effet ne se fera pas sentir », poursuit-elle. Ces patients présentent, sans que l’on sache pourquoi, un risque plus élevé de souffrir de dépendance.

Ces divers éléments entraînent une augmentation de la prévalence de l’addiction aux médicaments. Même s’il est difficile d’avancer des chiffres. Ce qui change également, depuis quelques années, c’est le profil des patients concernés », note Joëlle Micallef. « Cette addiction était surtout le fait de sujets déjà toxicomanes, cherchant à détourner l’usage de médicaments. Depuis 5 ou 6 ans, on observe que ce phénomène concerne des patients de tous âges et sexes, sans antécédent. » Ainsi, par exemple, une dépendance aux antalgiques suite à une opération du genou.

De la prévention avant tout

D’où l’importance de « réévaluer la situation clinique régulièrement après la prescription de médicaments à risque », rappelle le Dr Micallef. Tout comme « l’intensité de la douleur et de passer en revue tous les effets indésirables ressentis par le patient. Et ce, afin de dépister une éventuelle addiction. »

Si vous ou vos proches recherchez des informations concernant la dépendance aux médicaments, vous pouvez contacter le centre de pharmacovigilance le plus proche de chez vous, ou bien entendu, en parler à votre médecin ou à votre pharmacien.

* Centre d’excellence pour les Maladies Neurodégénératives

  • Source : interview du Dr Joëlle Micallef, responsable du Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacovigilance (CEIP Addictovigilance) PACA Corse, 5 décembre 2016

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Vincent Roche

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