Agace carnet de santé

20 mars 1997

Le Journal Officiel de la République a publié très discrètement la décision n°185456 du Conseil d’Etat annulant l’article R 161-1-2 du décret qui instituait le Carnet de santé… C’est une sacrée nouvelle car « au nom du Peuple Français » selon la formule consacrée, la Haute Juridiction vient de retirer sa dernière parcelle d’utilité à ce petit carnet poursuivi par une singulière malédiction.

Cette opuscule se voulait la mémoire de notre santé et devait rester comme le Grand Oeuvre de la réforme de la Sécu, mais les bonnes intentions furent gâchées par une exécution hasardeuse. Lancé par une campagne intense et dispendieuse, le carnet a souvent fini à la poubelle car on le prenait… pour une « pub ». Les exemplaires qui ont échappé à ce destin furent peu utilisés: les malades n’en voyaient pas l’utilité ou refusaient qu’on y fasse figurer des informations personnelles et les médecins rechignaient à perdre leur temps à expliquer le pourquoi du carnet et à le remplir…

La décision du Conseil intervient 18 mois et près de 300 millions de francs plus tard, alors que la Sécu se préparait à relancer son vilain petit canard. La mouche qui a piqué les hôtes du Palais Royal s’appelle « Liberté », le Conseil d’Etat ayant voulu renforcer le droit d’opposition du patient. Aux termes de sa décision, celui-ci peut désormais s’opposer non seulement à la mention des actes, examens et traitements prescrits, mais aussi à celles de la date de la consultation, de l’identité et de la signature du médecin.

Il paraît que de tous les animaux de la création, l’homme est le seul attiré par la conquête de l’inutile. Peut-être les esprits conquérants se réjouiront-ils donc d’apprendre que le Conseil d’Etat vient d’offrir un nouvel objet à nos étranges convoitises. En attendant, pleurez contribuables…

  • Source : The American Journal of Respiratory Cell and Molecular Biology, May 2000

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