Aide médicale à la procréation : une explosion des demandes

09 février 2024

La loi du 2 août 2021 a fait évoluer le cadre juridique de l’assistance médicale à la procréation : elle élargit son accès aux couples de femmes et aux femmes seules. Depuis, c’est un véritable « raz de marée » selon le Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine, en réponse à une forte demande sociétale. Elle répond aux questions de Destination Santé.

Les demandes d’Aide médicale à la procréation (AMP) sont en forte hausse. Ce phénomène est-il en train de se tasser ?

Entre la promulgation de la loi bioéthique d’août 2021 et le 30 juin 2023, près de 29 970 demandes de 1ère consultation de la part de couples de femmes et de femmes seules pour une AMP avec don de spermatozoïdes ont été́ recensées. C’est même une hausse de 25 % des demandes entre le 2e semestre 2022 et le 1er semestre 2023. Nous observons un véritable raz de marée qui ne montre aucun signe d’affaiblissement. La demande a été multipliée par huit en deux ans, et cela concerne principalement les femmes seules et les couples de femmes qui se lancent dans ce processus. Nous pensons que cela prendra entre 5 et 6 ans pour absorber toutes ces demandes.

Qui dépose ces demandes d’AMP en majorité ?

Les trentenaires représentent le gros des demandes de consultations pour les femmes non mariées. En effet, la répartition est assez nette avec 52 % qui ont entre 35 et 39 ans (7 % entre 18 et 29 ans). Il y a une réelle nécessité et un désir fort chez beaucoup de femmes d’avoir des enfants avant qu’il ne soit trop tard. La situation diffère chez les couples hétérosexuels, où souvent le désir d’enfant émerge après un certain temps de vie commune et des difficultés à concevoir, depuis plusieurs mois, voire des années.

Les délais s’allongent par conséquent ? 

Le plan ministériel 2022-2026 pour la Procréation, l’Embryologie et la Génétique humaines (PEGh) a été élaboré en vue d’accompagner les nouvelles dispositions législatives.

Ce plan vise à faciliter l’accès à l’AMP, notamment pour les femmes seules et les couples de femmes. Une attention particulière est portée à la réduction des délais d’attente pour accéder à un parcours d’AMP. Cependant, l’ampleur de la demande a été sous-estimée à l’époque. Bien que les délais n’aient pas encore été réduits, ils ne se sont pas allongés grâce à un suivi attentif.

Il est vrai que certaines jeunes femmes se trouvent en limite d’âge, ce qui pourrait impacter leurs chances de grossesse, étant donné que les taux de réussite chutent nettement après 38 ans. Chaque mois compte à ce stade.

Est-il possible de réaliser un parcours d’AMP à l’étranger ? 

Oui et d’ailleurs nous observons une augmentation, dès 2022, des parcours d’AMP conduits à l’étranger, dont l’Espagne. Entamer un parcours à l’étranger est possible et pris en charge par l’Assurance maladie française, au même titre qu’un soin réalisé à l’étranger et remboursé par le Centre National des Soins à l’Étranger (CNSE). Nous ne disposons que de données incomplètes à ce stade sur ce phénomène mais les chiffres montrent néanmoins une tendance croissante, notamment depuis l’introduction de la nouvelle législation. En 2021, il y a eu 2260 demandes d’AMP à l’étranger, dont 1755 ont été acceptées. En 2022, ces chiffres ont augmenté à 2848 demandes, avec 2032 acceptations.

  • Source : Interview du Dr Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Édité par Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils