La maltraitance infantile accélère le vieillissement biologique

28 juillet 2025

La maltraitance infantile laisse des séquelles durables qui vont bien au-delà des blessures physiques et psychologiques. Des données scientifiques montrent depuis longtemps que les enfants victimes de maltraitance et de négligence courent un risque accru de maladies chroniques, de troubles mentaux et de décès prématuré tout au long de leur vie. Une nouvelle étude en précise les mécanismes.

Derrière les séquelles physiques et psychologiques, se cache une autre réalité : la maltraitance infantile peut altérer profondément la biologie de l’enfant, déclenchant des changements moléculaires pouvant perdurer pendant des décennies. Car la maltraitance infantile semble accélérer le processus de vieillissement lui-même, exposant à des maladies chroniques, d’après diverses publications scientifiques. Mais les chercheurs peinent encore à comprendre comment ces expériences précoces déclenchent des changements aussi profonds, en particulier chez les très jeunes enfants. Outre la complexité physiopathologique, c’est probablement parce que les études antérieures se sont appuyées sur des marqueurs biologiques inadaptés ou des auto-évaluations subjectives. On manquait aussi d’outils pour examiner les altérations biologiques et les changements de comportement social qui surviennent chez les enfants maltraités.

Une étude japonaise fait progresser les connaissances

Pour combler ces lacunes, une équipe de recherche de l’université de Fukui au Japon a mené une étude examinant à la fois le vieillissement biologique et le comportement social des jeunes enfants. Leurs résultats, qui viennent d’être publiés dans la revue scientifique de premier plan PLOS One, apportent des éclairages sur la manière dont la maltraitance infantile accélère le vieillissement biologique et nuit au développement social.

Pour cela, les chercheurs ont étudié 96 enfants âgés de 4 à 5 ans, comparant 36 ayant subi de graves maltraitances à 60 au développement normal. Ils ont mesuré le vieillissement biologique en analysant les profils de méthylation de l’ADN (des marques chimiques posées sur le matériel génétique qui permettent à la cellule de décider quels gènes doivent être activés ou désactivés, sans changer le code de l’ADN lui-même) à l’aide d’une nouvelle méthode dont l’équipe a été pionnière lors de ses travaux antérieurs. Ces signatures moléculaires, capturées à partir du matériel génétique de prélèvements buccaux, indiquent essentiellement la vitesse de vieillissement cellulaire du corps d’un enfant. De plus, ils ont utilisé une technologie d’oculométrie pour surveiller les schémas d’attention sociale des enfants, en mesurant la durée pendant laquelle ils regardaient différents éléments dans des séquences vidéo soigneusement sélectionnées.

Un vieillissement biologique accéléré

L’équipe a constaté que les enfants victimes de maltraitance présentaient un vieillissement biologique accéléré par rapport à ceux au développement normal. De plus, ils passaient nettement moins de temps à regarder les yeux lorsqu’on leur présentait des vidéos de visages humains. Cette diminution de l’attention portée aux yeux (un aspect essentiel de l’interaction sociale et de la compréhension) suggère des différences dans la façon dont les enfants maltraités traitent l’information sociale. De plus, l’accélération du vieillissement biologique et la réduction du contact visuel étaient toutes deux fortement liées à des scores plus élevés aux mesures des difficultés émotionnelles et comportementales, déterminées à l’aide d’outils basés sur des questionnaires.

La maltraitance infantile peut donc laisser des traces invisibles, mais mesurables, sur le développement biologique et social de l’enfant. Ces résultats soulignent l’importance d’une intervention et d’un soutien précoces auprès des enfants maltraités afin d’atténuer les effets à long terme du vieillissement accéléré et des déficits sociocognitifs.

« En identifiant les signes avant-coureurs, nous pouvons intervenir plus tôt et apporter un soutien ciblé, concluent les chercheurs « pour améliorer les compétences sociales, réduire le stress émotionnel et favoriser un développement plus sain, ce qui pourrait prévenir des problèmes plus graves plus tard dans la vie. »

  • Source : Ochiai K, Nishitani S, Yao A, Hiraoka D, Kawata NY, Suzuki S, et al. (2025) Behavioral and emotional difficulties in maltreated children: Associations with epigenetic clock changes and visual attention to social cues. PLoS One 20(5): e0321952. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0321952

  • Ecrit par : Hélène Joubert - Edité par Emmanuel Ducreuzet

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