Alcool : des patients abandonnés ?

08 avril 2015

Seuls 8% des patients dépendants à l’alcool ou sujets à des abus sont pris en charge ! Et une large majorité a le sentiment de ne pas être bien informée sur le sujet. Pour le Dr François Liard, médecin généraliste à Saint-Epain (37), « il est urgent que les médecins se saisissent de la question alcool ! »

Au total, 77% des patients ayant souffert de dépendance à l’alcool n’ont bénéficié d’aucun accompagnement et seuls 5% se sont vu prescrire un médicament. Du côté des médecins généralistes, un sur deux déplore le fait de ne pas être assez formé. Difficile dans ce contexte de prendre à bras le corps ce problème de santé publique qui reste encore trop tabou pour 80% des praticiens.

« La préoccupation alcool n’est pas suffisamment présente chez les médecins. Or il faut qu’ils sachent aller à la pêche à l’information sur la consommation d’alcool », explique le Dr Liard. « Devant de multiples situations, comme l’hypertension artérielle, l’épilepsie, mais aussi des problèmes de comportement, il faut avoir à l’esprit qu’il peut y avoir une comorbidité alcool. Or elle n’est pas recherchée de manière systématique ».

Chez les patients, il semble toujours aussi difficile d’aborder leur consommation d’alcool avec leur médecin. Près de 50% des anciens dépendants à l’alcool ont affirmé avoir attendu entre 2 et 5 ans avant de solliciter un praticien. Les raisons de ce silence sont très variées. La plus importante étant une sous-estimation du problème par le patient.

Vers une prise en charge adaptée

« Il y a une grande confiance de la population envers les médecins généralistes. Il faut que nous en profitions pour aider les patients. Mais la démarche qui consiste à poser la question de la consommation semble aujourd’hui encore compliquée. Les patients qui souffrent de l’alcool ont beaucoup de mal à en parler. Et ils attendent souvent que leur médecin aborde la question ». Un véritable cercle vicieux !

Pourtant pour le Dr François Liard, de nouvelles options thérapeutiques pourraient permettre de ne pas entrer dans la spirale de la dépendance. « Nous disposons d’un nouveau traitement, le Selincro®, qui est destiné à réduire la consommation d’alcool. C’est une approche intéressante dans le sens où elle permet de traiter des patients qui présentent une consommation excessive ».

Il enfonce le clou, en précisant qu’il est urgent aujourd’hui « d’intervenir avant la dépendance. Les gens ne boivent pas du jour au lendemain, il y a eu toute une démarche, une prise de risque qui va en s’accentuant. C’est à nous de savoir les identifier et de leur proposer en fonction de leur vécu, leurs contraintes, leurs objectifs, une prise en charge adaptée ».

  • Source : Interview du Dr François Liard, 20 mars 2015 - Sondage Opinion Way (février 2015)- Etude Kohn et al, The treatment gap in mental health care, Bulletin of the World Health Organization (OMS), November 2004

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Dominique Salomon

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