Alcool : la modération contre la démence ?

02 août 2018

La consommation excessive d’alcool expose les buveurs à un risque élevé de démence. Plus surprenant, les abstinents subissent également un sur-risque dans ce domaine. Dans des proportions moindres toutefois. Les précisions du Pr Séverine Sabia, chercheuse à l’Inserm.

Selon des chercheurs de l’Inserm*, « la consommation excessive d’alcool à long terme est associée à une augmentation du risque de démence ». Pour s’en assurer, l’équipe du Pr Séverine Sabia, en association avec des scientifiques britanniques, a étudié « la consommation d’alcool dans la force de l’âge (entre 40 et 60 ans) et le risque de développer une démence dans les 23 années qui ont suivi ».

Au total, « 9 087 fonctionnaires britanniques âgés de 35 à 55 ans en 1985 » ont été recrutés. Tous participaient à l’étude Whitehall II**. Entre 1985 et 1993, les volontaires alors âgés de 50 ans en moyenne « ont fait l’objet d’une évaluation de leur consommation et de leur dépendance à l’alcool ».

397 cas de démence enregistrés

Résultats, « sur les 9 087 participants, 397 cas de démence ont été enregistrés pendant un suivi moyen de 23 ans. L’âge moyen au moment du diagnostic de la démence était de 76 ans ».

« Chez ceux qui consomment plus de 14 unités d’alcool*** par semaine, les cas d’hospitalisation pour maladie chronique liée à l’alcool ont été associés à un risque de démence quatre fois plus élevé. » Parmi eux, « chaque augmentation de 7 unités d’alcool par semaine était associée à une hausse de 17 % du risque de démence ». Chez les abstinents, « ce risque de démence n’est qu’1,5 fois plus grand ».

Un risque de maladies cardiométaboliques élevé chez les abstinents ?

Mais « les mécanismes sous-jacents dans chacun des deux groupes sont vraisemblablement différents », notent les chercheurs. « Chez les abstinents, les chercheurs montrent qu’une partie du risque supplémentaire de démence était associé à un risque plus élevé de maladies cardiométaboliques. »

En effet, dans le groupe des abstinents, « le sur-risque de maladies cardiométaboliques au cours du suivi était de 14% par rapport aux personnes buvant de façon modérée », explique le Pr Sabia. « Chez les personnes consommant plus de 14 unités d’alcool par semaine le risque n’était augmenté que de 7% par rapport aux buveurs modérés, toutefois, le risque augmentait avec des consommations plus importantes. »

Mais cette étude reste observationnelle. « Il n’est pas possible de conclure à un lien de cause à effet. »
D’autant que « d’autres raisons pourraient expliquer ces résultats ». L’étude s’est concentrée sur la consommation d’alcool chez des participants âgés de 45 ans en moyenne. Le groupe des abstinents pouvait donc être composé de « personnes n’ayant jamais bu et d’autres ayant bu par le passé qui auraient arrêté de boire ».

En conséquence, les motifs du sevrage « comme une maladie, pourraient être à l’origine du risque observé ». D’autres études « prenant en compte la consommation d’alcool tout au long de la vie [doivent être menées] pour pouvoir évaluer le risque de démence chez les abstinents ».

« En aucun cas, les résultats observés chez les abstinents ne doivent encourager les personnes ne buvant pas à commencer à boire de l’alcool ». En effet, cette consommation est responsable en France de 49 000 décès par cancer, cirrhose, psychose et dépendance alcoolique.

A noter : En France, le « risque acceptable » est fixé à 10 verres par semaine et deux verres par jour au maximum (un verre correspond à 10g d’alcool, soit 100g par semaine). Des recommandations aujourd’hui valables pour « les hommes comme pour les femmes ».

* Unité 1018 « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations »
** « Une étude qui examine les conséquences des facteurs sociaux, économiques, biologiques et de mode de vie sur la santé à long terme. »
*** 112 grammes d’alcool

  • Source : Inserm, British Medical Journal, le 2 août 2018

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Dominique Salomon

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