Alcool, tabac, médicaments : quand les addictions débarquent au travail

04 avril 2022

La consommation de drogues n’est pas rare dans le milieu professionnel. Mais à quel point le travail favorise-t-il l’usage de substances psychoactives, légales ou non ? Quelle prévention peut s’avérer efficace pour lutter contre les addictions ?

Quelles sont les substances psychoactives qui « posent le plus problème » dans le milieu professionnel ? « L’alcool pour 91 % des répondants, le tabac pour 66 %, le cannabis pour 64 % et enfin les médicaments psychotropes pour 43 % », détaille l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) dans une récente étude*. « Tous les secteurs et catégories professionnelles » sont concernés. Dans le détail, 8,6% des salariés sont en difficulté avec l’alcool, et 7% concernant le cannabis.

Perturbations intimes et souffrances au travail

« Ces pratiques addictives ont une origine multifactorielle, c’est-à-dire qu’elles sont liées à la vie privée mais aussi à la vie professionnelle. D’où l’importance d’identifier les facteurs qui favorisent ces pratiques au sein de l’entreprise (harcèlement, objectifs inatteignables, manque de reconnaissance…) », rappelle le Dr Philippe Hache, expert des addictions au travail à l’INRS et responsable de cette étude.

En mêlant objectifs, dynamique d’équipe et stimulation, le travail peut en effet éloigner les profils à risque de cette consommation. Mais l’inverse est aussi vrai. « Alors qu’avoir un emploi peut être protecteur vis-à-vis des pratiques addictives, certaines conditions de travail peuvent favoriser la consommation de substances psychoactives », atteste l’INRS. Des exemples ? « Les risques psychosociaux, les pots ou repas d’affaires avec boissons alcoolisées, le travail en contact avec le public », ou encore « le travail avec horaires atypiques ».

Alcool, cannabis et accidents du travail

La consommation de substances psychoactives induit un sur-risque d’entrée dans la dépendance, de cancers et de dépression, « même à faibles doses», rappelle l’INRS. Et dans le cadre professionnel, ces conduites à risque favorisent la survenue d’accidents du travail. Ce risque est doublé « chez les hommes consommant au moins 4 verres d’alcool par jour, et chez les femmes consommant au moins 2 verres par jour ». Autres données :

  • « conduire sous l’emprise de l’alcool multiplie par 17,8 le risque d’être responsable d’un accident routier mortel » ;
  • « conduire sous l’emprise du cannabis multiplie par 1,65 le risque d’être responsable d’un accident routier mortel ».

La prévention : du groupe au cas par cas

Selon l’INRS, il s’agit « d’élaborer une démarche de prévention collective associée à la prise en charge des cas individuels ». Par quels leviers ? « En prévenant les facteurs de risque liés au travail favorisant les consommations et en encadrant la consommation d’alcool dans l’entreprise** ». Les services de santé au travail et la médecine du travail jouent aussi un rôle dans la prévention des conduites addictives. Enfin, l’INRS mise sur « des actions de formation, d’information des travailleurs sur les risques liés aux pratiques addictives, les aides possibles, la réglementation en vigueur ».

* Etude menée par l’INRS en novembre 2021 par l’Institut Cemka auprès de 1 245 professionnels des services de santé au travail (médecins, infirmiers, psychologues et ergonomes)

** Selon l’article R4228-20 du Code du travail, seuls la bière, le vin, le cidre et le poiré sont autorisés sur le lieu de travail. Et selon le décret du 3 juillet 2014, le chef d’entreprise est en droit d’interdire la consommation d’alcool en interne « lorsque la consommation (…) est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur ».

  • Source : Institut national de recherche et de sécurité (INRS), mars 2022

  • Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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