Alzheimer, une maladie des temps modernes ?
14 février 2024
Les cas de démence existaient-ils dans l’Antiquité ? Selon des chercheurs américains, qui ont analysé les textes médicaux classiques grecs et romains, les mentions de pertes de mémoire graves étaient extrêmement rares, 2 000 à 2 500 ans en arrière.
La maladie d’Alzheimer a-t-elle toujours existé ? Pas si sûr si l’on en croit des scientifiques de l’Université de Californie du Sud (USC). Leurs recherches publiées dans le Journal of Alzheimer’s Disease renforcent l’idée selon laquelle cette pathologie neurodégénérative comporterait une large composante environnementale (pollution…) et serait liée à nos modes de vie modernes (sédentarité…).
Les auteurs se sont ainsi penchés sur un corpus important d’écrits médicaux d’Hippocrate et de ses disciples. Les textes répertoriaient les affections des personnes âgées telles que la surdité, les étourdissements et les troubles digestifs, mais ne faisaient aucune mention des pertes de mémoire.
Des siècles plus tard, dans la Rome antique, quelques mentions surgissent. Le médecin Galien a remarqué qu’à l’âge de 80 ans, certaines personnes âgées commençaient à rencontrer des difficultés à apprendre de nouvelles choses. Pline l’Ancien, lui, avait noté que quelques temps avant sa mort, la mémoire du sénateur Marcus Valerius Messalla Corvinus commençait à faillir, allant jusqu’à oublier son propre nom…
« Si nous avons trouvé quelques références, les Grecs de l’Antiquité ne faisaient que très peu mention de quelque chose qui ressemblerait à une déficience cognitive », explique Caleb Finch , professeur à l’université de gérontologie USC Leonard Davis. « Lorsque nous sommes arrivés aux Romains, nous avons découvert au moins quatre situations suggérant de rares cas de démence avancée. Nous ne pouvons pas dire s’il s’agit de la maladie d’Alzheimer, mais on observe qu’il y a eu une progression depuis les Grecs de l’Antiquité jusqu’aux Romains. » Selon Finch, « à mesure que les villes romaines se sont densifiées, la pollution a augmenté, entraînant une augmentation des cas de déclin cognitif. De plus, les aristocrates romains utilisaient des récipients de cuisson en plomb, des conduites d’eau en plomb et ajoutaient même de l’acétate de plomb à leur vin pour le sucrer, s’empoisonnant involontairement avec la puissante neurotoxine. »
L’exemple des Amérindiens
Pour étayer son propos, et en l’absence de données démographiques concernant l’Antiquité, le chercheur s’est tourné vers un autre modèle de « vieillissement antique » : les Amérindiens Tsimané – que l’on appelle aussi Chimane – un peuple d’Amazonie qui aujourd’hui a un mode de vie préindustriel (pas d’électricité, ni de voitures…) et très actif physiquement. Particularité : ils présentent des taux de démence extrêmement faibles. En fait, parmi les personnes âgées Tsimané, seulement 1 % environ souffriraient de démence, contre 11 % aux Etats-Unis et 8 % en France.
Cette étude confirme donc que, si l’âge est bien le premier facteur de risque de la maladie d’Alzheimer, nos modes de vie (sédentarité, pollution mais aussi l’hypertension artérielle non traitée, les accidents vasculaires, l’hypercholestérolémie, le diabète, le surpoids, l’obésité, le tabac ou l’alcool) ont bien un rôle à jouer.