Bien vieillir avec le VIH, est-ce possible ?
01 décembre 2023
Aujourd’hui, la moitié des personnes séropositives pour le VIH en France ont plus de 50 ans. Les personnes infectées, détectées précocement et sous thérapies antirétrovirales, ont une espérance de vie presque similaire à la population générale. L’enjeu est désormais de bien vieillir, en prenant soin de soi.
En France, environ 170 000 personnes vivent avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et sont traitées pour cela, pour la grande majorité. Grâce aux antirétroviraux, ces patients avancent en âge. En France, 50 % d’entre elles ont plus de 50 ans (contre 8,5 % en 1993) et 16 % ont plus de 60 ans.
VIH : les défis d’une maladie devenue chronique
Alors que la charge virale, c’est-à-dire la quantité de virus présent dans le sang et les sécrétions sexuelles, peut désormais être contenue sous antirétroviraux (indétectable), une autre problématique est apparue : celle d’optimiser la santé et le bien-être des personnes qui vieillissent avec des traitements à vie. Un rapport a estimé qu’en 2030, 84 % des « personnes vivant avec le VIH » présenteraient une maladie associée (comorbidité) liée à l’âge. C’est plus qu’en population générale.
Chez elles, les comorbidités sont tout d’abord d’ordre cardiovasculaire (43 % contre 30 % dans la population générale), mais aussi métaboliques comme le diabète ou les dyslipidémies (concentration anormale de lipides dans le sang dont le cholestérol et les triglycérides). Le risque de maladies hépatiques est aussi plus important et les maladies rénales plus fréquentes. Le risque de cancer est doublé et celui d’ostéoporose est bien présent, avec un surrisque de 50 % de fracture. Quant aux troubles neuropsychiatriques, la dépression affecte 20 à 37 % de ces personnes, soit plus qu’en population générale.
Pourquoi un vieillissement accéléré ?
Le vieillissement dit « accéléré » chez les personnes vivant avec le VIH sous traitement antirétroviral « pourrait résulter d’une inflammation chronique et d’une activation immunitaire persistante, explique le Pr Alain Makinson (« Recherche translationnelle sur le VIH et les maladies infectieuses », Inserm IRD, Montpellier), et ceci malgré le contrôle de la réplication du virus VIH sous combinaison d’antirétroviraux. » Le processus de vieillissement des organes s’en trouverait ainsi accéléré.
Une autre hypothèse est liée à la fréquence plus élevée de comorbidités chez cette population, on parle alors de vieillissement « accentué ». « Les facteurs comportementaux, tels que la consommation de tabac (plus importante qu’en population générale), ainsi que certains traitements susceptibles d’induire des toxicités, ou d’infections passées ayant laissé des séquelles, etc. contribuent à ce vieillissement “accentué” », indique le spécialiste.
Un autre facteur à considérer est qu’un niveau socio-économique inférieur est plus souvent observé dans certaines populations vivant avec le VIH, comme celles qui utilisent des drogues par injection ou des personnes migrantes. Or, un niveau socio-économique plus faible est corrélé à des comorbidités et à une espérance de vie plus faible.
C’est pourquoi une bonne hygiène de vie (activité physique, manger équilibré) et surtout ne pas fumer, est encore plus essentiel. « Un dépistage précoce pour une prise en soins optimale est crucial, ajoute le Pr Makinson, notamment le dépistage de certains cancers, le contrôle de l’hypertension, du diabète… ».
Un risque accru de déficiences cognitives ?
Le Pr Alain Makinson et son équipe ont étudié la survenue de déficiences neurocognitives (baisse de l’attention, de la mémoire et des capacités motrices), chez les patients vivant avec le VIH âgés de 55 à 70 ans. Leur risque de développer des formes légères ou modérées (voire sans symptômes mais détectés lors des tests) est accru de 50 % (35 % contre 24 % pour le groupe contrôle).
« Notre étude a été conçue comme une photographie transversale, détaille l’infectiologue. Cette fréquence plus élevée de troubles cognitifs n’implique pas nécessairement une détérioration continue et accélérée liée à l’infection par le VIH. Pour le savoir, nous terminons une deuxième étude afin d’évaluer si ces différences persistent et s’aggravent plus rapidement chez les personnes vivant avec le VIH, ce qui nous éclairera sur le rôle du virus. »
A noter : afin de déterminer les besoins et les attentes des personnes de plus de 50 ans vivant avec le VIH, 14 associations mènent l’étude « Vieillir avec le VIH ». Sont invitées à y participer les personnes de 50 ans et plus vivant avec le VIH et les professionnels accompagnant ces personnes.
Pour en savoir plus: https://moipatient.fr/mes-data/etude/vieillirvih
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Source : interview du Pr Alain Makinson (département des Maladies Infectieuses, CHU de Montpellier, et Unité Inserm U1175 « Recherche translationnelle sur le VIH et les maladies infectieuses », IRD, Montpellier) - Sida Info Service.org - HIV Therapy (vol2, 2015) « Going beyond undetectable: A review of the unmet long-term health needs of people living with HIV » - Pr Alain Makinson et al. Etude ANRS EP58 HAND 55-70 (2019)
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Ecrit par : Hélène Joubert ; Edité par Emmanuel Ducreuzet