Bronchiolite, Covid-19 ou grippe ? Un autotest « 3 en 1 » qui ne fait pas l’unanimité

02 décembre 2024

L’arrivée sur le marché d’ALL IN TRIPLEX®, le premier autotest combiné capable de détecter simultanément la bronchiolite, la grippe et le Covid-19 a été annoncé la semaine dernière par son fabricant, le laboratoire AAZ. Un outil censé permettre une meilleure prise en charge des infections respiratoires… mais qui ne convainc pas tout le monde du côté médical.

Dans son dernier bulletin hebdomadaire, Santé Publique France signale la généralisation de l’épidémie de bronchiolite en France métropolitaine (7 régions en phase épidémique et 5 en pré-épidémie), l’arrivée de la grippe (3 régions en phase pré-épidémique) et la persistance des cas de Covid-19.

Face à cette triple épidémie, le fabricant AAZ a annoncé l’arrivée en pharmacie d’un autotest « 3 en 1 » nommé « ALL IN TRIPLEX® ».

Dans le détail, contrairement aux tests Covid classiques, le ALL IN TRIPLEX® dispose d’une petite éponge qui remplace les traditionnels écouvillons rigides. Il suffit d’introduire l’éponge dans chaque narine durant 15 secondes. L’embout est ensuite plongé verticalement dans un récipient.

Trois bandelettes de couleurs différentes – une verte, une bleue, une orange – correspondant aux trois types de virus permettent alors de savoir si vous êtes touché par la grippe, le Covid ou la bronchiolite.

Sur le papier, le Triplex semble être une avancée favorisant une prise en charge plus rapide. Surtout que dans son communiqué de presse, le fabriquant affiche une fiabilité impressionnante de 98,3%.

Qu’en dit le corps médical ?

Comme le précise le Dr Pierre-Olivier Variot, Président de l’USPO (Union de Syndicats de Pharmaciens d’Officine), cité dans le communiqué de AAZ : « grâce à ce nouvel outil de diagnostic, nous sommes désormais capables de différencier une infection virale d’une infection bactérienne, d’éduquer les patients sur les dangers de l’antibiorésistance et de réduire la pression sur les antibiotiques ».

Au CHU d’Orléans, le Dr Thierry Prazuck, chef de service des maladies infectieuses, nous explique qu’il l’utilise « en routine depuis plus d’un an ». Un travail mené sur 263 enfants en 2022 au sein du centre hospitalier avait relevé une sensibilité du test (c’est-à-dire la probabilité d’obtenir un test positif lorsque l’on est effectivement malade) de 88,9 % pour le SRAS-CoV-2, de 79,1 % pour le VRS (le virus de la bronchiolite) et de 91,6 % pour la grippe.

Des résultats qui pour le Dr Prazuck « offrent une possibilité de plus pour se faire dépister soit directement en pharmacie soit chez soi. Imaginez que vous alliez voir vos grands-parents et que vous souhaitez les protéger, l’idéal et de faire le test juste avant ».

Des voix discordantes

Mais ces avis enthousiastes ne sont pas partagés par tous. A commencer par la Haute Autorité de Santé. Dès 2023, elle s’était penchée sur la question et sur l’intérêt de ces tests « 3 en 1 ». Elle se voulait alors prudente, expliquant que « les études conduites sur le sujet portent sur de faibles effectifs », et qu’elles « montrent des niveaux de sensibilité nettement inférieurs à ceux affichés sur la notice ».

Contactée par Destination Santé, l’Autorité confirme que sa position n’a depuis « pas évolué. Pour ce faire, il nous faudrait disposer de nouvelles études permettant de valider l’efficacité et l’utilité clinique du test. » Et de préciser qu’une « étude d’envergure nationale visant à répondre à l’ensemble de ces questions d’utilité du test « 3 en 1 » est actuellement en préparation, mais ne pourra être mise en place qu’à l’hiver 2025-26 ».

Même son de cloche du côté du CHU d’Angers. Le Pr Vincent Dubée, chef du service maladies infectieuses et tropicales reconnaît que si « les tests triplex sont utilisés dans certains services, notamment d’urgences, pour aider à l’orientation des patients, ils sont peu utilisés en milieu hospitalier car ils manquent de fiabilité. Nous préférons utiliser d’autres tests, notamment des PCR, plus sensibles – le risque de faux négatif est faible – et très spécifiques, le risque de faux positif est quasi nul. »

Concernant l’impact du résultat du test sur la prescription d’antibiotiques, « ce sont trois maladies virales. Les antibiotiques n’étant actifs que sur les bactéries, ils ne devraient pas être prescrits. Bien entendu, une infection virale peut se compliquer en infection bactérienne ! C’est même classique dans la grippe. Mais la décision de prescrire un antibiotique relève d’une décision médicale, qui prend en compte des éléments essentiellement cliniques (signes d’infection du nez et de la gorge, auscultation des poumons…) et radiologiques (signes de pneumonie à la radiographie des poumons). Un test positif ne doit donc pas exonérer d’une évaluation médicale si les symptômes sont importants. »

Autre impact possible d’un test positif, celui sur l’isolement. Là encore, le médecin se veut mesuré. « Tout signe d’infection des voies aériennes doit amener à s’isoler, quel qu’en soit le microbe responsable », nous explique-t-il. « Mais en pratique, on observe que les gens ne s’isolent pas pour des symptômes bénins. Un test positif pourrait permettre une prise de conscience de l’importance de s’isoler pour protéger son entourage, en particulier les sujets les plus fragiles. Mais mon impression générale est que ces tests sont d’un intérêt limité. »

  • Source : Communiqué du laboratoire AAZ - https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666991923001318 - Interview du Dr Thierry Prazuck, Chef de Service des maladies infectieuses au CHU d’Orléans – Interview du Pr Vincent Dubée, chef du service maladies infectieuses et tropicales au CHU d’Angers – Haute Autorité de Santé

  • Ecrit par : Vincent Roche – Edité par : Emmanuel Ducreuzet

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