Maladie d’Alzheimer et conduite : les recommandations s’assouplissent

29 juillet 2025

En 2022, un arrêté avait provoqué un tollé chez les professionnels de santé et les associations de patients. Il prévoyait une incompatibilité à la conduite tant qu’un doute persistait et dès l’apparition d’un déclin cognitif. Les sociétés savantes qui militaient pour une approche individualisée ont pu parvenir à un accord avec la Délégation à la Sécurité routière, récemment publié.

Le 28 mars 2022, un arrêté actualisait la liste des affections médicales incompatibles avec la conduite d’un véhicule. « Les troubles cognitifs des pathologies neuroévolutives type maladie d’Alzheimer et maladies apparentés » y étaient alors ajoutés.

« Une décision inique, arbitraire, discriminante et liberticide »

L’incompatibilité avec la conduite était recommandée tant que le doute sur la nature du trouble subsistait et un avis spécialisé était demandé sans délai auprès d’une équipe pluridisciplinaire. Le texte précisait également que l’incompatibilité définitive avec la conduite survenait dès le début du stade 3 de l’échelle de Reisberg. Le stade 3 de cette échelle – abandonnée en France depuis plusieurs années – correspond à un déclin cognitif léger et non à une démence.

Tollé du côté des associations mais aussi des sociétés savantes. L’arrêté a suscité la contestation de la SFGG (Société Française de Gériatrie et Gérontologie), la FCM (Fédération des Centres Mémoire), de France Alzheimer et maladies apparentées et de l’Association Old’Up qui dénonçaient dans un communiqué commun « une décision inique, arbitraire, discriminante et liberticide ».

Elles alertaient en outre sur les risques d’exclusion sociale injustifiée et appelaient à une révision du dispositif. Dans un premier travail commun publié en 2023 dans une revue scientifique, les sociétés savantes déploraient que le stade 3 de Reisberg, échelle ancienne et inutilisée en France, ait été retenu. « Il semble correspondre au stade léger de troubles neurocognitifs majeurs. Une échelle unique donne une idée du niveau de risque mais pas une évaluation holistique », justifiaient-elles alors. « Nous proposons des recommandations de sociétés savantes françaises en faveur de l’évaluation cognitive individualisée pour réduire les risques liés à la conduite et sa cessation. L’aptitude à la conduite doit être évaluée dès le début de la démarche diagnostique, puis régulièrement au cours du suivi. Consulter un médecin agréé est recommandé à tous les patients voulant poursuivre la conduite. Tout document doit être transmis au patient seulement. Une alternative doit toujours être proposée au sujet auquel on recommande l’arrêt de la conduite ».

Une évaluation individualisée et graduée 

Ce document a servi de base à la poursuite du dialogue avec la Délégation à la sécurité routière (DSR). Un consensus a finalement émergé et de nouvelles recommandations approfondies ont été publiées. « Elles redonnent du sens à l’évaluation médico-légale de la conduite en contexte de troubles cognitifs, loin des automatismes réglementaires et des exclusions arbitraires. Elles permettent enfin aux professionnels de santé de s’appuyer sur un cadre clair, validé et adapté à la réalité du terrain », note la Société française de gériatrie et gérontologie dans un communiqué du 24 juillet 2025.

Pour les conducteurs de groupe 2 (camions, bus, taxis…) le cadre ne change pas et l’inaptitude à conduire intervient dès l’apparition de troubles cognitifs. Pour les autres, ceux du groupe 1 dit « groupe léger », les nouvelles recommandations de la Délégation à la Sécurité routière prévoient une évaluation individualisée et graduée des aptitudes du conducteur. Elles distinguent d’un côté le médecin traitant (généraliste ou spécialiste) lié à son patient par le secret médical et le médecin agréé qui communique son avis au préfet.

Le rôle des médecins clairement défini

Le médecin généraliste intervient en premier lieu. S’il n’a aucun doute sur l’aptitude à conduire, il lui en fait part et le note dans son dossier. Même chose s’il n’a aucun doute sur son inaptitude à conduire, il demande en outre à son patient de ne plus reprendre le volant. En cas de de doute, il l’adresse à une équipe d’évaluation pluridisciplinaire qui fera part de ses observations au patient et lui demandera, le cas échéant, de ne plus reprendre le volant.

Le médecin agréé entre lui en jeu par démarche volontaire du patient (qui voudrait éventuellement contredire l’avis de son médecin), ou après un signalement au préfet par une tierce personne (forces de l’ordre, proches du patient) et dans ce cas il est hautement probable que le patient ne puisse en effet plus conduire. Troisième situation : celle d’un conducteur qui vient pour un contrôle médical obligatoire dans le cadre d’une infraction. Il faudra réussir à dépister une atteinte cognitive qui n’est pas l’objet du contrôle.

A noter : les maladies dites « apparentées » ont en commun avec Alzheimer d’atteindre le cerveau et donc de se manifester par des déficits des fonctions cognitives. Un autre point commun est que toutes sont des « protéinopathies », c’est-à-dire qu’elles résultent de l’accumulation pathologique dans le cerveau de protéines modifiées. Celles-ci entraînent la destruction des neurones, cellules essentielles pour le fonctionnement du cerveau. Citons notamment la maladie à Corps de Lewy (MCL), les dégénérescences lobaires fronto-temporales (DLFT).

  • Source : France Alzheimer, société française de gériatrie et de gérontologie, Délégation à la sécurité routière, Fondation recherche Alzheimer, Laurens B, Dumas E, Berrut G, Goutte V, Bonin-Guillaume S, Bonnet M, Lazeras C, Lauwick P, Dombret P, Abramovici F, Soto Martin M. Recommandations pour l’accompagnement et l’orientation pour la conduite des patients atteints (ou suspectés) d’une maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées : consensus des sociétés savantes françaises. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2023 ; 21(3) : 347-362. doi:10.1684/ pnv.2023.1124

  • Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet

Destination Santé
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous offrir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre quelles sections du site Web vous trouvez les plus intéressantes et utiles.

Plus d'informations sur notre politique de cookies sur nos CGU.

Aller à la barre d’outils