Cancer, arsenic, infarctus… de quoi est mort Napoléon ?
29 novembre 2023
Napoléon Bonaparte est mort le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène, détenu depuis 6 ans par les Britanniques. Les doutes autour de sa mort, ont alimenté des débats de passionnés durant près de deux siècles. Que sait-on vraiment ?
Arythmie cardiaque ? Empoisonnement à l’arsenic ? Cancer de l’estomac ? De quoi est mort Napoléon 1er ? Un groupe international d’anatomo-pathologistes spécialisés en pathologie digestive ont voulu répondre à cette question à l’occasion des 200 ans de la mort de Napoléon Bonaparte, mort le 5 mai 1821 à l’Ile de Sainte-Hélène, après 6 ans d’exil.
Pour poser un diagnostic, les auteurs de l’étude ont décrypté les rapports, notes et mémoires des personnes présentes lors de son autopsie, menée le 6 mai 1821 après sa mort à 51 ans. C’est le médecin corse Francesco Antommarchi qui effectua l’autopsie entourée de 16 personnes dont sept médecins britanniques. Leurs rapports respectifs, classés de niveau d’évidence médicale élevée, ont été passés au crible pour établir les causes du décès de l’empereur exilé. Conclusion ? « Les rapports d’autopsie de 1821 sont compatibles avec une néoplasie maligne avancée de l’estomac associée à une hémorragie gastrique comme cause immédiate de la mort de Napoléon Ier le 5 mai 1821 ». Les experts évoquent un carcinome et/ou lymphome. La néoplasie était associée à « un ulcère perforé-bouché et à une hémorragie gastro-intestinale sévère ».
Un cancer dû à une bactérie ?
Selon les experts, les médecins présents le jour de l’autopsie ont donné une description de l’estomac de Napoléon qui correspond aux images de cancer gastrique de type III (ulcéreux) selon la classification de Bormann. « Un cancer gastrique, même sans métastase, peut provoquer des complications locales comme une hémorragie. C’est probablement le cas de Napoléon », ajoutent les auteurs de l’étude. Par ailleurs, Napoléon aurait perdu 11 à 14 kilos les mois précédent sa mort, ce qui plaide là-encore pour un cancer de l’estomac.
La cause du cancer serait une gastrite chronique due à une infection à Helicobacter pylori. « L’infection de l’estomac par H. pylori est acquise pendant l’enfance et perdure pendant des décennies, voire toute la vie de la personne infectée. Celle-ci développe une forte réponse inflammatoire locale et humorale qui s’installe progressivement dans la chronicité », détaille l’institut Pasteur. Dans la majorité des cas, la gastrite chronique n’évolue pas. Mais 10 % des personnes infectées développeront une maladie ulcéreuse, 1 à 3 % des cas un cancer. « Dans le cas de Napoléon 1er, la coexistence d’un cancer et d’un ulcère perforé-bouché est un argument qui plaide, d’un point de vue étio-pathogénique, en faveur d’une carcinogenèse probablement causée par une gastrite chronique associée à une infection à Helicobacter pylori et donc plutôt d’origine sporadique », précise le groupe d’anatomo-pathologiste.
Des troubles urologiques et néphrologiques
Un autre spécialiste, urologue celui-ci, pointe, une pathologie uronéphrologique. Dans une publication de 2018, le Dr. Quentin-Côme Le Clerc, chirurgien urologue à Nantes, souligne des troubles de l’ensemble de l’appareil urinaire. Il évoque des symptômes urologiques et néphrologiques chroniques qui handicapèrent le militaire une grande partie de sa vie. Pour lui, la mort de l’illustre patient résulterait « d’une probable cascade d’événements » avec en point final, une intoxication au mercure dû à un surdosage de calomel, médicament très utilisé à l’époque. « On peut penser que Napoléon soit mort d’une insuffisance rénale aiguë par une intoxication par l’absorption de hautes doses de Calomel (Mercure) les jours précédents sa mort (dix grains de Calomel donnés au lieu de un ou deux grains) sur insuffisance rénale chronique (…) ». Pour le premier groupe d’experts, le calomel aurait seulement « aggravé l’état de santé de Napoléon ».
A noter : durant de nombreuses années, c’est la thèse de l’empoisonnement à l’arsenic qui semblait la plus probable. Si Napoléon a révélé des taux d’arsenic élevés dans son organisme, la piste d’un empoisonnement délibéré a ensuite été mise à mal. Il en aurait simplement absorbé dans son environnement. Les cheveux de son fils et de sa première épouse l’impératrice Joséphine présentaient également des taux d’arsenic à des niveaux élevés comme la plupart des gens vivant à la même époque. Il semble que les intérieurs européens au début du XIX étaient saturés d’arsenic (cosmétiques, cires à cacheter, casseroles…).
-
Source : L’autopsie de Napoléon Bonaparte. Mise au point anatomo-pathologique pour le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier sur l’île de Sainte-Hélène en 1821, annales de pathologie 2021 – L’urètre de Napoléon, mai 2018, urofrance.org - Napoléon Bonaparte : ce dont il est réellement mort (et 3 autres choses que vous ne savez peut-être pas sur sa vie), BBC, 2021
-
Ecrit par : Dorothée Duchemin – Edité par Emmanuel Ducreuzet