Cancer du poumon : dépister par scanner ?
21 février 2011
Les premières données d’une étude américaine semblent démontrer la supériorité du scanner sur la radiographie du thorax pour le dépistage du cancer du poumon. Les résultats définitifs de ce travail sont attendus en 2012. Faut-il y voir la possibilité d’une éventuelle relance du débat sur le dépistage généralisé en France, de ce cancer ?
L’étude National Lung Screening Trial a porté, entre 2002 et 2007, sur plus de 50 000 fumeurs ou anciens fumeurs de 55 à 74 ans. Chaque année, les participants ont subi soit un scanner, soit une radiographie thoracique. Des nodules pulmonaires ont été repérés dans 24% des cas par scanner, et dans 7% des cas par radiographie. Mais surtout, la mortalité par cancers du poumon a été inférieure de 20,3% chez les patients dépistés par scanner. Alors, vive le scanner pulmonaire ? Pas forcément, car cette étude pose encore de nombreuses questions.
Des faux positifs?
Revers de la médaille, le scanner étant plus sensible que la radiographie les « faux positifs » s’avèrent plus nombreux avec cette technique. En clair, cela signifie que le scanner détecte des nodules bénins qu’il qualifie en fait, comme s’il s’agissait de tumeurs. Pour les 24% des patients chez lesquels des nodules avaient été observés, seuls 3,7% avaient effectivement un cancer du poumon.
Un scanner annuel soumet-il les patients à une irradiation excessive ?
« Un scanner à faible dose, comme ceux qui ont été utilisés dans cette étude, correspond en termes d’irradiation à 10 radiographies thoraciques de face » précise le Pr Antoine Flahaut, directeur de l’École des hautes Études en Santé publique. « Les expositions médicales sont une source de préoccupation en santé publique, et ne doivent pas être négligées. Cependant, la radiographie n’a jamais montré son intérêt dans le dépistage du cancer du poumon. » Inutile, donc, d’irradier un patient par radio. Cet examen même s’il est moins irradiant, ne permet pas d’obtenir une information pertinente…
Dépistage ou diagnostic?
On parle de dépistage quand un examen s’adresse à des patients apparemment en bonne santé – même s’ils présentent des facteurs de risque. Un examen à visée diagnostique pour sa part, est pratiqué chez un malade symptomatique. « Dans cette étude, même si les patients sont de gros fumeurs, il s’agit d’un dépistage » explique le Pr Antoine Flahaut. « On parlerait de diagnostic si ces patients étaient non seulement à très haut risque (gros fumeurs depuis longtemps) mais présentaient en plus des symptômes tels qu’une modification de la toux, ou le fait de cracher du sang. »
Et en France?
« Il n’existe pas à l’heure actuelle, de dépistage du cancer du poumon en France. Même chez les fumeurs. Car aucun examen n’a été validé comme suffisamment efficace dans ce but » poursuit le Pr Flahaut. « Et il est trop tôt pour dire si cette étude va changer la donne. D’abord, parce que nous devons attendre la publication de ses résultats définitifs. Ensuite, parce que ces derniers devront être confirmés. La mise en place d’une politique de dépistage est très lourde, et nécessite des preuves tangibles. »
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Source : de notre envoyée spéciale au 15ème Congrès de Pneumologie de langue française, Lille, 28 janvier 2011 – interview Pr Antoine Flahaut, 15 février 2011