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Le cannabidiol, dont l’appellation raccourcie CBD est largement passée dans le langage commun, est vendu pour ses propriétés apaisantes. Quand d’autres consomment cette substance extraite du cannabis pour gagner en énergie, diminuer l’intensité d’une douleur ou se sortir d’une addiction. Et depuis quelques années maintenant, nous y avons tous accès en boutique ou sur internet, et sous différentes formes, à boire, à manger ou à fumer.
A ce jour, un seul médicament à base de CBD est commercialisé en France. Ce dernier est prescrit aux patients atteints d’une forme d’épilepsie particulière*. Il a comme effet de diminuer l’hyperexcitabilité des neurones.
Mais au-delà de l’épilepsie, « les essais cliniques manquent pour confirmer d’éventuels effets thérapeutiques du CBD sur l’anxiété, le sommeil ou autre, ou ne concernent que de trop petites cohortes de patients pour être représentatifs », souligne Tangui Barré de l’Inserm**. De ce fait, le CBD n’est pas encore un produit « brevetable ». En conséquence, il ne fait pas encore l’objet « de financement d’essais cliniques ».
La science étant curieuse, quelques pistes sont à l’étude sur le modèle animal, notamment dans la prise en charge de la dépendance à l’alcool. En veut pour preuve une méta-analyse de 2019, menée chez la souris. Selon ce travail, « l’usage du CBD induit une diminution de la consommation d’alcool et une très légère réduction des lésions au foie ». L’étude « Caramel », menée chez l’Homme cette fois-ci, sera initiée au second semestre 2023.
Quid du sevrage de l’addiction au cannabis grâce au CBD ? La question se pose car contrairement au THC, le CBD n’engendre aucun effet addictif. Selon des travails menés par Tangui Barré sur le sujet auprès de 1 500 volontaires, le CBD en tant que substitut au THC a été utilisé par 11% des fumeurs pour diminuer leur consommation de cannabis, « avec succès dans un peu plus de la moitié des cas ».
Reste que si elle est confirmée à grande échelle, cette substitution en accompagnement d’un sevrage ne pourra être que partiellement efficace. Comment l’expliquer ? « Le CBD ne se fixe pas sur les mêmes récepteurs que le THC », explique un autre chercheur de l’Inserm, Bruno Revol***. Le cerveau risquerait donc ne pas se contenter totalement du CBD et ressentirait quelques effets de manque. Cependant le CBD se fixe sur certains récepteurs anxiolytiques, et pourrait donc diminuer le stress lié au syndrome de manque.
Certes, le CBD n’entraîne pas de dépendance comme la nicotine du tabac ou encore les molécules d’alcool. Mais elle reste une substance psychotrope ayant un effet direct sur le système nerveux central. Et plus l’impact sera recherché par le consommateur, plus la tendance à reprendre du produit régulièrement entrera dans les réflexes puis dans les besoins des usagers.
L’un des principaux risques associés au CBD reste le tabac avec lequel il peut être consommé, et dont « la combustion provoque des atteintes graves des voies respiratoires, dont des cancers », précise Nicolas Authier, pharmacologue et addictologue à Clermont-Ferrand et auteur du Petit livre du CBD.
Autres points soulignés par les spécialistes de l’Inserm, qui doivent faire l’objet d’analyse plus poussées :
A noter : au total, 10% des Français ont déjà consommé des produits à base de CBD, et 5% y ont recours au moins une fois par semaine.
*associée au syndrome de Lennox Gastaut et au syndrome de Dravet
**laboratoire Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médicale (Sesstim) à Marseille
***centre d’addictovigilance de Grenoble
Source : Inserm, magazine numéro 56, mars 2023
Ecrit par : Laura Bourgault - Edité par : Emmanuel Ducreuzet