C’est quoi être aidant en 2019 ?

03 octobre 2019

A l’occasion de la Journée nationale des Aidants qui se tiendra le 6 octobre, décryptage de la vie des aidants. Et ceci à travers l’interview du délégué général du collectif Je T’Aide qui rassemble 22 structures associatives et un témoignage fort qui illustre à merveille le combat quotidien des aidants.

« Etre aidant en 2019, c’est faire partie d’une population de 11 millions de personnes qui s’occupent de façon régulière d’un proche qui perd son autonomie et qui aspirent à une reconnaissance sociétale », explique Olivier Morice, délégué général du collectif Je T’Aide. « Un aidant, cela peut être un lycéen, un étudiant, une personne qui travaille, un retraité. Il y a énormément de situations singulières mais ce qui les rapproche c’est un vécu partagé : un sentiment d’être seul, de ne pas être reconnu, de ne pas être accompagné, de ne pas connaître ses droits, d’avoir une administration publique compliquée. »

Pour bien illustrer le rôle central des aidants, Olivier Morice souligne que « 70% des gestes de soins sont réalisés par les proches et le reste par les infirmiers, les médecins, les auxiliaires de vie. C’est grâce à cette action des aidants que notre système de santé tient debout. »

Soutenir, accompagner, informer…

Le Collectif a mis au point en partenariat avec le laboratoire Teva Santé, la Box Aidants. « Nous avons observé que cette population n’était pas du tout soutenue par l’administration, ni informée. Et quand nous cherchions quels étaient les endroits fréquentés par les aidants, nous avons immédiatement identifié les pharmacies. Nous avons donc décidé de nous appuyer sur les pharmaciens afin qu’ils remettent aux aidants la Box qui contient le socle minimal d’informations essentielles pour les orienter. C’est une boussole extrêmement utile et importante. »

Cette Box contient de multiples informations sur les associations, les structures institutionnelles et administratives et donne de nombreuses clefs pour mieux appréhender la vie d’aidants. Pour davantage d’information : https://www.associationjetaide.org/

Témoignage de Céline Martinez, maman de William atteint depuis sa naissance du Syndrome de Prader-Willi, une des maladies rares les plus graves sur les 7 000 répertoriées.

Que représente pour vous votre rôle d’aidant ?

Je suis une extension du corps et de l’esprit de William (10 ans). Avec une vigilance hors normes et une autonomie très entravée. Il a besoin de moi pour tout : s’habiller, se laver, comprendre l’heure, se repérer dans le temps… Ce rôle dévore ma vie de femme, de mère, d’épouse et ma vie professionnelle. Car mon fils et moi formons un couple.

La méditation, le yoga, le shiatsu, le qi-gong, la lecture de philosophes et mon diplôme de psychologue clinicienne m’ont aidée à faire un travail d’acceptation depuis 10 ans. Mettre à distance le superflu, ce qui n’a pas de sens. Mon credo aujourd’hui : faire simple.

Comment conciliez-vous vie professionnelle, vie sociale et vie d’aidante ?

J’ai choisi de ne pas travailler pour me consacrer à ma vie de mère et d’aidante. Pour mes aînés, ce fut un choix, pour William, c’est vital. Au bout de ses 10 ans de vie, j’imaginais pouvoir trouver un travail mais mon épuisement et la gestion quotidienne de William ainsi que de la maisonnée m’en empêchent.

Je suis devenue bénévole, en montant un groupe Facebook pour soutenir les parents aidants. J’ai écrit un manuscrit qui devait être publié. Mais ma vie d’aidante ne m’a pas permis de m’y consacrer totalement. Je dois faire taire mes rêves, mes passions, mes projets. Quant à ma vie sociale, je vole des instants d’amitié le soir. J’arrive grâce aux réseaux sociaux à maintenir du lien mais il est en majorité virtuel.

Quels sont les impacts sur votre santé physique et psychologique ?

C’est comme si même mon corps obéissait aux diktats de la maladie. Je ne sais plus quand j’ai soif ou j’ai faim ou si je suis fatiguée. La loi c’est : avancer. Au bout de 7 ans, j’ai fait un burn-out. Je me suis relevée. Mais j’ai à nouveau sombré. Puis j’ai commencé à souffrir physiquement : céphalées de tension, troubles du sommeil, syndrome des jambes sans repos, tachycardies, troubles de la mémoire… Je me sens comme une personne âgée de 70 ans alors que j’en ai 48. Cette vie m’a extrêmement aguerrie : je suis très patiente, j’ai une force interne et une foi inébranlable dans la vie. Aujourd’hui je me sens invincible moralement mais physiquement au bord de l’évanouissement.

Le 6 octobre aura donc lieu la Journée nationale des Aidants, avec un slogan percutant « Aider ne devrait jamais rimer avec s’épuiser ». Pour davantage d’informations :

  • Source : Interviews de Céline Martinez et Olivier Morice, septembre 2019

  • Ecrit par : Emmanuel Ducreuzet – Edité par : Dominique Salomon

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