Chirurgie de l’obésité : entrez au bloc
12 octobre 2015
En France, l’obésité touche 15% de la population. Principales recommandations contre la surcharge pondérale ? Une assiette équilibrée et du sport à volonté. Mais cette hygiène de vie est difficile à mettre en place auprès de patients enfermés dans la spirale de l’obésité. Solution radicale, la chirurgie bariatrique est proposée en cas d’échec thérapeutique aux patients les plus à risque. L’hospitalisation est courte, la perte de poids progressive, l’espérance de vie allongée. Reportage.
8h à la Clinique Geoffroy Saint-Hilaire (Paris, 5ème). Comme chaque vendredi matin, le Pr Sylvie Guéroult, chirurgien digestif, vient poser des by-pass. Une technique réservée aux patients atteints d’obésité morbide « dont l’IMC dépasse 40, ou ceux dont l’IMC est compris entre 35 et 40 en cas de complications », explique-t-elle dans le hall de l’établissement haussmannien.
En effet les dommages collatéraux de l’obésité vont bien au-delà de l’apparence physique. Cette maladie augmente le risque « de troubles respiratoires, de maladies cardiovasculaires, de diabète et de certains cancers », détaille le Pr Guéroult en empruntant d’un pas vif l’escalier en colimaçon. Lino bleu ciel, mur blanc ivoire et chariot défilent sous nos yeux… une porte battante et nous voilà au 7ème étage.
Entrée au bloc. Direction le vestiaire pour enfiler pyjama, masque, charlotte… et rejoindre le bloc chirurgical. Les blouses bleues et blanches circulent dans le service où flotte une odeur de café et de désinfectant. Dans la salle 1, l’équipe est déjà en place pour la première intervention de la matinée. « La patiente pèse 129 kg pour 1,68m, son IMC s’établit à 45,7 », explique le Pr Guéroult avant de franchir la porte coulissante. L’aide-opératoire approche perfusion, chariots, draps aseptisés et tabourets autour de la table d’opération. Le regard interrogatif, la patiente écoute les conseils apaisants de l’anesthésiste avant de plonger dans un sommeil artificiel. En quelques secondes, l’injection fait son effet. Les pinces métalliques tintent, les écrans bipent, les gants de latex claquent. Et le Pr Guéroult prend les manettes.
Tout se passe à l’écran. Aucun organe n’est apparent. « L’opération ne se fait pas à ventre ouvert mais en cœlioscopie », précise le chirurgien alors que le ventre de la patiente gonfle progressivement sous l’effet des gaz insufflés. « Cette technique consiste à créer de l’espace entre les organes et à faire trois légères incisions abdominales afin d’y glisser les instruments ». Par ce geste, le chirurgien se fraie un chemin à l’aide de longues pinces jusqu’au système digestif sans même toucher le ventre de la patiente, et manipule en suivant ses gestes sur petit écran.
Deux estomacs formés, un intestin dérivé. Le Pr Guéroult téléguide l’intervention en direct. « Voilà le foie, un peu plus loin… l’estomac. On va enlever les trois quarts de cet organe pour calibrer une petite poche à partir du quart restant », souligne-t-elle en scrutant l’écran. Le principe, réduire le système digestif pour diminuer l’appétit et donc les apports alimentaires.
Le temps file, les doigts manipulent avec précision. Quarante minutes plus tard, le petit estomac est visible à l’écran. Le grand estomac lui va rester autonome dans l’organisme. « Seconde étape, on dérive de 2 mètres le jéjunum, la seconde partie de l’intestin grêle impliqué dans l’absorption des nutriments », continue le chirurgien. Ensuite, le petit estomac et l’intestin raccourci vont être reliés. Une technique permettant de réduire le circuit intestinal pour accélérer le processus de digestion et réduire la taille du bol alimentaire. Plus l’IMC du patient est important, plus la partie dérivée de l’intestin sera grande. Connexion faite, l’opération se termine. Une heure s’est écoulée. L’anesthésiste vérifie la stabilité de la patiente qui devrait se réveiller dans quelques heures.
« Le soir-même on vérifie l’étanchéité des parois stomacales avant d’autoriser le retour à domicile ». Après l’opération, l’isolement est fortement déconseillé. Pendant les premiers jours suivant l’intervention, la situation est anxiogène, « mieux vaut limiter l’isolement», précise le Pr Guéroult. « Systématiquement, je rappelle les patients dès qu’ils sont rentrés chez eux ». Une disponibilité essentielle à la prise en charge post-opératoire.
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Source : Reportage Clinique Geoffroy Saint-Hilaire, Paris 5e, le 26 juin 2015.
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Ecrit par : Laura Bourgault : Edité par : Emmanuel Ducreuzet