Chirurgie esthétique à l’excès : les réseaux sociaux en cause ?
13 janvier 2023
Sculpter son corps et son visage à coup de scalpel quand on a 20 ans. Si la chirurgie esthétique est loin d’être nouvelle, les jeunes n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir se faire refaire le portrait. Probable explication : l’omniprésence des réseaux sociaux.
Les moins de 35 ans sont désormais plus nombreux que leurs aînés à passer sous le bistouri pour obtenir un nez « parfait », de « belles » fesses, mais surtout un profil instagramable. Car c’est bien le changement majeur de ces dernières décennies : la très large utilisation des réseaux sociaux. Leur influence n’en est que plus grande sur l’image de soi, notamment auprès des plus jeunes.
D’après le Dr Bruno Rocher, addictologue spécialisé dans les dépendances sans substances et les troubles du comportement alimentaire, la fréquence de l’exposition aux modèles joue un rôle important. « Avant l’avènement des réseaux sociaux, les modèles étaient les actrices et acteurs ou les chanteuses et chanteurs que l’on voyait quelques fois dans l’année, à l’occasion d’un film, une émission de télévision ou dans un magazine », explique-t-il. « Aujourd’hui, les influenceuses et influenceurs qui les ont remplacés sont omniprésents dans la vie des jeunes. Ils les voient du matin au soir sur leur smartphone. »
Autre élément d’aggravation de l’influence de ces instagrameurs et autres tiktokeurs : les filtres. « Les visages irréels derrière ces écrans modificateurs sont présentés comme la réalité », explique-t-il. Cette nouvelle norme, encore plus difficile à atteindre que les visages déjà opérés des anciennes stars, « obsèdent nos jeunes patients », rapporte-t-il.
Une tendance pathologique ?
Est-ce pour autant le signe de véritables troubles chez ces jeunes gens ? Cela dépend évidemment des cas. Mais selon le psychiatre, le seul recours à la chirurgie esthétique ne relève pas d’une pathologie. Ce qui n’exclut pas chez certains patients une dysmorphophobie ou Body dysmorphic disorder, caractérisée par une « préoccupation concernant au moins un défaut perçu de l’apparence physique qui n’est pas apparent ou apparait léger à d’autres personnes », définit l’Association américaine de psychiatrie. Cette préoccupation provoque une détresse importante et une détérioration de la vie sociale. Une addiction peut aussi survenir, qui correspond à « une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères », rappelle la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Et ce de façon répétitive.
En tout cas, il s’agit bien d’une « influence majeure sur l’ensemble d’une génération », insiste le Dr Rocher. Laquelle peut mener à bien des dérives. Heureusement, tous les jeunes ne se plient pas à ces diktats. Et d’autres tendances émergentes sur les réseaux sociaux permettent de contrecarrer un peu ces images de fausse perfection. Ainsi, le body positive et la lutte contre la grossophobie ont pour but d’aider chacun à s’accepter tel qu’il est.
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Source : interview du Dr Bruno Rocher, chef de service de l’Espace Barbara - Hôpital de jour du centre de soins ambulatoires en addictologie du CHU de Nantes, 3 janvier 2023 – Mildeca – DSM-5
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Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet