Coloriage pour adultes : la preuve d’une société anxieuse ?

09 septembre 2015

Le coloriage. Voilà bien un mot et une activité typiquement associés à l’enfance. Pourtant, depuis plusieurs mois, les cahiers de coloriage pour adultes font partie des best-sellers des librairies. Pourquoi ce regain pour un jeu d’enfant ? Le décryptage de Sophie Marinopoulos, psychanalyste nantaise.

Remplir de bleu, de rose, de vert ou de violet les espaces blancs entre les traits noirs d’un dessin, sans dépasser. C’est en cela que consiste le coloriage. Depuis des générations. Mais que les adultes s’y remettent peut surprendre. Cette activité qui peut être qualifiée d’ « obsessionnelle », en cela qu’elle est simple et répétitive, est vendue comme antistress. Pour Sophie Marinopoulos, il s’agit bien d’une manière pour l’adulte de retrouver une défense infantile. « Lorsque les enfants sont angoissés, ce type d’activité favorise le retour au calme ».

Ainsi « le petit homme entre en contact avec le monde grâce à des activités rythmées et répétées (à commencer par son besoin d’être nourri régulièrement). Très vite, il engage une connaissance de son environnement en répétant ses expériences », explique-t-elle. « Cette répétition et le rythme qui l’accompagne lui permettent de contenir sa crainte de tout ce qui est nouveau. »

« Expression d’un mal-être collectif »

Le coloriage permettrait donc de contenir une angoisse chez l’adulte ? En effet, les cahiers de coloriage pour grands sont bien vendus comme des activités antistress. Le stress c’est le mot d’adulte pour évoquer « une oppression, de la nervosité, une difficulté à se concentrer », précise Sophie Marinopoulos. Alors « en se fixant sur une activité simple qui demande de faire toujours la même chose, l’enfant et/ou l’adulte peut ainsi retrouver son calme. Il met toute son énergie au service de cette activité ludique, régressive qui fait du bien. »

Une bonne chose donc le coloriage pour grands ? « Pourquoi pas, c’est une activité sympathique en soi », estime Sophie Marinopoulos. Mais elle est aussi « le signe d’une société d’adultes régressifs, anxieux, qui cherchent par tous les moyens à canaliser leurs tensions, leur stress. Elle est l’expression du mal-être collectif. »

  • Source : interview de Sophie Marinopoulos, psychanaliste nantaise, 2 septembre 2015

  • Ecrit par : Dominique Salomon - Edité par : Emmanuel Ducreuzet

Aller à la barre d’outils