Comment débanaliser la consommation d’alcool ?
29 septembre 2021
Consommer de l’alcool est légal. C’est même, il faut l’avouer, plutôt valorisé dans notre société. Or les méfaits de cette substance psycho-active sont sérieux. C’est pourquoi l’Inserm milite pour une véritable politique de santé publique contre ce fléau.
Trois verres* par jour et par habitant. La France est parmi les pays les plus gros consommateurs d’alcool au monde. Résultat, nous payons « un lourd tribut sanitaire et social lié à la popularité de la consommation de boissons alcoolisées », indique l’Inserm dans sa dernière expertise en la matière.
Dans le détail, « en 2015, on estimait que 41 000 décès, soit 11% des décès chez les hommes et 4 % chez les femmes de 15 ans et plus, étaient attribuables à l’alcool », poursuit l’expertise. « Le coût social était estimé à 118 milliards d’euros en 2010, soit une perte de 6 % du PIB. » Comment expliquer ce phénomène ? « La consommation d’alcool est responsable directement ou indirectement d’une soixantaine de maladies : maladies alcooliques du foie mais aussi pathologies cardiovasculaires, pancréatites, certains cancers notamment digestifs et du sein, sans compter les troubles psychiques, la dépression, les suicides et les dommages occasionnés par des accidents ».
Et contrairement à une idée reçue, « les effets délétères de l’alcool concernent tout le monde, et pas seulement les personnes qui ont une dépendance ou un trouble lié à cette substance », martèle Mickael Naassila, directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances. « La consommation faible mais quotidienne présente des risques ». C’est pourquoi l’expertise de l’Inserm n’évoque plus de « seuils de risque » mais des « repères de consommation à moindre risque ». Soit 2 verres par jour et 10 verres par semaine maximum, selon les recommandations revues à la baisse en 2017 par Santé publique France.
Pourquoi l’alcoolisme ne recule pas ?
« L’alcool, et surtout sa surconsommation, sont un enjeu de santé publique majeur, paradoxalement méconnu et sous-médiatisé », souligne l’Inserm. Et ce tabou « contraste avec une image plutôt valorisée, voire valorisante, de l’alcool notamment chez les jeunes, et en tout cas une perception banalisée de sa consommation ».
Résultat, 8 % des jeunes de 17 ans déclarent avoir une consommation régulière et 40 à 50 % ont connu une alcoolisation ponctuelle importante. Chez les seniors, la consommation d’alcool survient dans un contexte de comorbidités et de traitements médicamenteux fréquents.
Malgré les messages de sensibilisation, la consommation pendant la grossesse reste fréquente. « Nos préoccupations portent notamment sur les consommations occasionnelles importantes en tout début de grossesse, pour lesquelles nous avons très peu de données », précise Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, épidémiologiste spécialisée sur la santé périnatale.
Un plan Alcool ?
Pour combattre ce problème grave de santé publique, l’expertise de l’Inserm propose donc un plan d’action Alcool, à l’image du plan Tabac. Les experts préconisent notamment de « mieux encadrer la vente d’alcool en augmentant le prix et les taxes et en limitant son accessibilité, notamment pour les mineurs ». En parallèle, ils conseillent de s’appuyer sur « la communication, la prévention et l’éducation du public, au travers d’interventions ciblées (en milieu scolaire, au travail, auprès des parents…) ou de campagnes telles que le Dry January ». Enfin, ils insistent sur la nécessité d’instaurer « un repérage, un suivi et une prise en charge des personnes à risque ». Par exemple par les pharmaciens.
*27 g d’alcool pur